Synode : pourquoi les critiques des cinq cardinaux ont du poids


Commentaires (5)

Catégorie : Église et papauté

Auteur : Belgicatho

Nombre de consultations : 576

Un cardinal très respecté dénonce la «manipulation» de ce synode.

De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro via Il Sismografo :

Source de la traduction française : Belgicatho

5 octobre 2023

François ne sait pas cacher son humeur. Et, ce mercredi matin, sur la place Saint-Pierre de Rome, il avait le visage des mauvais jours. Il célébrait pourtant la messe d’ouverture de ce synode sur l’avenir de l’Église qu’il a tellement désiré… La raison de cette moue, il l’a lui-même donnée dans son homélie, où il a déploré le manque d’unité de l’Église face à ce projet synodal: «Nous sommes à l’ouverture de l’assemblée synodale. Nous n’avons pas besoin de regards immanents faits de stratégies humaines, de calculs politiques ou de batailles idéologiques. Nous ne sommes pas ici pour une réunion parlementaire ou pour un plan de réforme. Non, nous sommes ici pour marcher ensemble sous le regard de Jésus qui accueille tous ceux qui sont fatigués et opprimés.»

Il a alors redit le sens de ce synode qui rassemble au Vatican près de 400 délégués, évêques et laïcs, venus du monde entier pour réfléchir, pendant deux mois - en octobre 2023 et en octobre 2024 -, à une gouvernance de l’Église plus démocratique et plus décentralisée. «La tâche première du synode est de recentrer notre regard sur Dieu, pour être une Église qui regarde l’humanité avec miséricorde, a-t-il martelé. Une Église unie et fraternelle qui écoute et dialogue, une Église qui a Dieu en son centre et qui par conséquent ne se divise pas à l’intérieur et n’est jamais dure à l’extérieur.» À cet instant, le pape lève les yeux de son texte et, l’air dépité, rectifie: «Une Église qui, au moins, cherche à être unie et fraternelle…» De fait, elle ne l’est pas. Cet été, cinq cardinaux ont fait part à François de leurs «doutes» profonds sur l’autorité même du synode.

Un organe consultatif qui, selon eux, ne se fonde sur aucun texte juridique et n’a donc pas vocation à décider quoi que ce soit dans l’Église. Ils l’ont aussi questionné sur la bénédiction des couples homosexuels et sur l’ordination des femmes, deux points qui sont au programme des débats synodaux. Contre toute attente, le pape leur a répondu, lundi soir, sans fermer aucune porte sur ces possibles évolutions. Une réponse écrite officielle, car il ne pouvait plus cacher ces dissonances qui avaient été révélées le matin même sur le site italien diakonos.be, redoutablement bien informé.

«Plan de manipulation»

Ces cinq cardinaux, âgés, ont beau être minoritaires, sur les 242, ils ont du poids. Ainsi du cardinal Zen, ancien archevêque de Hongkong. Un résistant dans l’âme qui a tenu tête au régime de Pékin et qui a été condamné récemment - sans que le pape lève jamais le petit doigt pour le soutenir - parce qu’il avait fortement soutenu les manifestations de 2019 et 2020 contre l’emprisonnement du territoire de Hongkong par la Chine. Un site américain, The Pillar, vient de révéler que le cardinal Zen avait écrit à tous les évêques et cardinaux de ce synode pour dénoncer ce qu’il appelle «un plan de manipulation». Sa lettre est authentique. Il affirme que «les organisateurs du synode disent ne pas avoir d’agenda (c’est-à-dire de plan préconçu et d’objectifs à atteindre, NDLR), mais c’est vraiment une offense à notre intelligence. Chacun peut voir les conclusions qu’ils veulent atteindre.» Il cite alors en exemple la question de la bénédiction des couples homosexuels.

«On nous dit qu’il faut nous écouter les uns les autres, mais, petit à petit, on nous fait comprendre que, puisqu’il faut s’écouter, il y a des gens qui sont exclus», c’est-à-dire «des gens qui optent pour une morale sexuelle différente de la tradition catholique», écrit-il. Il critique également ces deux sessions d’octobre en 2023 et en 2024: «Les organisateurs ont choisi d’avoir plus de temps pour mieux manœuvrer.» Et fustige la méthode de travail adoptée: la «conversation dans l’Esprit», qui ressemble à une «formule magique» pour couvrir des «surprises» de l’Esprit. Un langage synodal que l’on entend partout à Rome ces jours-ci et qu’il dénonce, car, selon lui, «c’est une manière de couvrir des résultats prédéterminés», les «organisateurs étant déjà très informés des “surprises” qu’ils attendent».

Sur la méthode, toujours, il regrette que la forte réduction des débats en assemblée générale, au profit de travaux en petits groupes, soit «un stratagème pour éviter des débats ouverts et contradictoires». Qui, eux, étaient la marque de tous les synodes précédents, sous Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et même François au début de son pontificat.

Lettre confidentielle

Ce cardinal de bientôt 92 ans va jusqu’à accuser le secrétariat général du synode d’être «efficace dans l’art de la manipulation». Il demande aux participants «de ne pas obéir quand on leur demande de prier car il est ridicule de penser que l’Esprit saint attend ces prières offertes au dernier moment». Dans la tradition catholique, l’Esprit saint, l’Esprit de Dieu, est censé éclairer la conscience de celui qui prie. Enfin, le cardinal Zen critique le fait que des laïcs aient obtenu le droit de vote dans cette assemblée synodale. Ce qui, à ses yeux, «sape le synode des évêques» puisqu’ils n’ont «même pas été élus par le peuple chrétien», mais désignés.

Ce qui «change radicalement la nature du synode que Paul VI avait voulu comme un instrument de la collégialité épiscopale, dans la suite du concile Vatican II». Aussi suggère-t-il que les votes des laïcs et des évêques soient «séparés». Il demande aux évêques et cardinaux participants de prendre leur responsabilité car «accepter des procédures irraisonnables conduira à l’échec du synode». À la fin d’une telle charge, le cardinal Zen demande que sa lettre reste strictement confidentielle. Mais, conscient du risque de fuite, il conclut: «Vieux comme je suis, je n’ai rien à perdre ni à gagner. Je serai heureux d’avoir fait ce que je considère comme un devoir.»

«Rejeter l’esprit de division et de conflit»

Dès lors, on peut comprendre le dépit du pape mercredi, même si l’opposition à ce synode est le fait d’une minorité jusque-là silencieuse. Reste que jamais un cardinal ou un évêque n’avait osé critiquer publiquement cette démarche synodale. Il n’est ainsi pas surprenant que François ait conclu son homélie de lancement du synode en appelant à «rejeter l’esprit de division et de conflit». Car, a-t-il insisté, «le Seigneur ne se décourage pas au milieu des vagues parfois agitées de notre temps, il ne cherche pas d’échappatoires idéologiques, ne se barricade pas derrière des convictions acquises, ne cède pas aux solutions faciles, ne se laisse pas dicter son agenda par le monde».

Aussi, de relancer ce qu’il attend de l’Église dans une «époque complexe»: «Jésus nous invite à être une Église hospitalière, qui n’impose pas de fardeaux». Et de mettre en garde contre les «tentations dangereuses »:«être une Église rigide, qui s’arme contre le monde et regarde en arrière, être une Église tiède qui se soumet aux modes du monde, être une Église fatiguée, repliée sur elle-même». Une nouvelle fois, il a martelé que «le synode n’est pas un rassemblement politique mais une convocation dans l’Esprit, non pas un Parlement polarisé mais un lieu de grâce et de communion», loin de «nos négativités». Dans l’adversité, a conclu le pape, le Christ «ne se laisse pas abattre par la tristesse», pourtant visible sur le visage du pontife romain. «Il n’est pas amer», il ne se laisse pas «emprisonner par la déception», «il est capable de voir au-delà, il reste serein dans la tempête». Elle pourrait pourtant souffler fort.

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Commentaire laissé par Anne-Françoise le

Je ne serai pas très long comme j'ai vraiment assisté en direct au Synode et je n'ai plus qu'admirer le courage de ce cardinal âgé de 92 ans qui a osé mettre en avant les risques et les périls que le synode représentait comme étant une Eglise ouverte...... je me suis d'ailleurs demandé à ce moment-là ce que tous les participants devaient ressentir car beaucoup ont parlé pour ne rien dire malheureusement comme je l'avais dit précédemment cela me semblait vide de sens j'avais l'impression qu'il y avait que des généralités toujours axées sur le même thème, je crois que cette sorte de "fusion des religions" ( je ne sais pas très bien quel terme employer) sous couvert d'accueil de tous les peuples créent une confusion grandissante.
Le pape François est plus que certainement influencé, en tant que Chef de l'Église, ne profite t on pas de son âge et de son état de santé malgré ses idées très claires ?....
Beaucoup d'obscurantisme que le Cardinal à tenté de souligner d'une façon ferme et admirablement courageuse.

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Commentaire laissé par Philippe le

Ce matin sur la radio RCF j'ai entendu l'expression "Les Pères et Mères synodaux" ... J'ai de suite tiqué. Je ne pense pas que ce soit une expression utilisée par l'Eglise mais plutôt par certains médias dits "catholiques" pour promouvoir certains changements dans l'Eglise en lien avec la volonté d'élever les femmes à des positions que le Christ n'a voulu accorder qu'aux hommes.

"Pères synodaux" fait référence aux évêques se réunissant en synode (d'où l'expression "Synode des évêques). Certes, les laïcs sont invités dans le synode en cours à donner leur avis mais il faut respecter la hiérarchie de l'Eglise. Les laïcs n'auront jamais, quoi qu'on en dise, la même position hiérarchique qu'un évêque ou même qu'un prêtre, ni la même autorité, ni le même droit de décision. (Quand Jésus disait à ses apôtres, "Qui vous écoute m'écoute", il s'adressait aux apôtres et leurs successeurs, les évêques. Pas aux laïcs !) Les laïcs ne seront donc jamais légitimement appelés "Pères" ou "Mères" synodaux. Il ne sera du reste jamais légitime de leur accorder autant de prérogatives et d'autorité qu'à des prêtres ou évêques. Il s'agit là d'un enfumage médiatique qu'il faut dénoncer. Une telle chose ne se verra jamais dans la véritable Eglise du Christ.

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Commentaire laissé par Philippe le

Ce qui est certain c'est que Paul VI disait que les fumées de Satan se sont introduites dans l'Eglise et ce jusqu'au plus haut sommet. Pensons aussi à la vision du Pape Léon XIII où il vit le diable réclamer du temps et davantage de pouvoir sur ceux qui se mettraient à son service, pour « détruire l'Eglise ».

Quand on sait que, malheureusement, beaucoup d'Évêques (et de façon général, de prêtres et de fidèles catholiques) ne croient plus vraiment à Satan et à l'Enfer, ni plus malheureux encore à Jésus-Christ, mais se laisse guider davantage par l'Esprit de ce siècle, on peut envisager sans trop se tromper qu'une petite majorité des évêques au Synode chercheront à orienter l'Eglise dans un sens qui n'est pas celui que le Seigneur voudrait. Reste à voir si le Pape validera leurs propositions de réformes (ou révolution)

Prions pour l'Eglise, pour nos évêques et le salut des âmes.

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Réponses apportées à ce commentaire :

Commentaire laissé par Anne-Françoise le 25/10/2023 à 12:26

Je pense que quand le pape dit que le Christ est serein non je crois que le Christ éprouve au contraire une grande tristesse à l'instar du cardinal Zen qui fustige bien courageusement le synode en question car a-t-il dit pourquoi faire tout en petit groupe alors qu'au début le cinoche a toujours été collégial et non pas avec des laïcs.

En espérant avec lui et avec les cinq cardinaux qui je l'espère pourront avoir du poids sur ce Synode.
Plus que jamais nous devons prier ardemment afin que le Seigneur est surtout que l'Esprit les guide.... Nos prières et nos jeûnes comme l'avait demande et comme le demande encore la Vierge Marie

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Commentaire laissé par Marie le

"S'armer contre le monde" n'est-ce pas la mission de l'Eglise afin que ne pénètrent pas en elle la mentalité et les vicissitudes du monde?
Les craintes de Mgr Zen paraissent fondées en tous points.
Hélas.

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