Car il nous a fermement été fait comprendre que ce n'est plus suffisant de rester assis devant nos ordinateurs à consulter des articles catholiques sur Facebook ; ce n'est pas suffisant de nous cacher dans nos presbytères entre deux homélies ; ce n'est pas suffisant de dire « Que Dieu vous bénisse, » tout en ignorant les blessures, la faim, la solitude et la douleur de nos frères et soeurs. C'est du moins ainsi que le voit un certain cardinal.
Evangéliser suppose dans l'Eglise un [désir de sortir] d'elle-même. L'Eglise est appelée à sortir d'elle-même et à aller dans les périphéries, les périphéries géographiques mais également existentielles: là où réside le mystère du péché, la douleur, l'injustice, l'ignorance, là où le religieux, la pensée sont méprisés, là où sont toutes les misères. Quand l'Eglise ne sort pas pour évangéliser, elle devient autoréférentielle et tombe malade... L'Eglise autoréférentielle prétend retenir le Christ à l'intérieur d'elle-même et ne le fait pas sortir... Pensant au prochain pape, il faut un homme qui, de la contemplation et de l'adoration de Jésus Christ, aide l'Eglise à sortir d'elle-même vers la périphérie existentielle de l'humanité, pour qu'elle devienne mère féconde de la « douce et réconfortante joie d'évangéliser ».
—Cardinal Jorge Bergoglio, peu de temps avant d'être élu 266ème pape; Salt and Light Magazine, p. 8, numéro 4, édition spéciale, 2013; fr.zenit.org
Comme Jésus, nous devons commencer notre mission d'évangélisation en faisant savoir à ceux qui nous entourent qu'ils sont les bienvenus en notre présence, que nous sommes heureux simplement d'être avec eux, de les écouter, de supporter avec patience leurs vilains défauts et même leur côté parfois trop mondain (que nous avons tous). Et ensuite, après avoir « dîné » avec eux, nous pouvons les inviter, s'ils ont encore une petite faim, à venir savourer le banquet de la vérité : la viande de la doctrine, les légumes des sacrements et les délicieux desserts de la spiritualité catholique.
En tout cas, c'est ainsi que le Pape François lit les signes des temps, et visiblement, avec une certaine urgence. En ceci nous pouvons voir une grande ironie. Une grande partie de la suspicion, des postulats négatifs et des conspirations à l'encontre du Saint-Père se basent sur des prophéties liées à la « fin des temps », souvent influencées par des préjugés évangéliques (protestants) à l'égard de l'Église catholique, considérée comme la « grande prostituée » (dont il est fait mention dans le Livre de l'Apocalypse ; après tout, les pharisiens eux-mêmes traitèrent Jésus de Belzébuth, ne nous étonnons pas que l'Église connaisse le même sort, ndt) ; sur la prophétie de Saint Malachie (cf. Prophétie des derniers papes, ndt) à laquelle certains accordent un crédit excessif ; et sur des prophéties infestées par l'hérésie, telles que celles de « Maria de la Divine Miséricorde », aujourd'hui discréditée.
Mais comme le souligne le théologien Peter Bannister, les « Trois F » du Pape François (Fatima, Faustine et Felsenburgh, ndt) nous montrent un pontife parfaitement conscient des signes des temps. Après son élection, François a immédiatement consacré son pontificat à Notre-Dame de Fatima. À deux reprises, il a cité le livre Le Maître de la Terre (1907), que j'ai lu. C'est un roman écrit au tournant du siècle dernier centré sur la figure antichristique de Julien Felsenburgh. La description qui nous est faite de cette époque dans le roman de Benson nous fait étrangement penser à la nôtre. Ce qui explique peut-être pourquoi, à plusieurs reprises, François s'est opposé à la « colonisation idéologique » de l'Occident, ceux qui tentent d'enfermer l'humanité dans l'enclos de la « pensée unique ».
C'est-à-dire la mondanité qui conduit à une pensée unique et à l'apostasie. Aucune différence n'est autorisée : tous sont égaux.
—PAPE FRANCOIS, Homélie, 16 novembre 2015 ; cf. cath.ch
Et nous trouvons le dernier « F » dans l'annonce prophétique faite par le Saint Père en 2015 d'un Jubilé extraordinaire de la Miséricorde par le biais d'une bulle d'indiction, Misericordiae Vultus, dans laquelle il invoque l'intercession de Sainte Faustine, qu'il appelle « la grande apôtre de la miséricorde. » C'est la Sainte à qui le Christ a révélé :
J'ouvre d'abord toutes grandes les portes de Ma Miséricorde. Qui ne veut pas passer par la porte de ma Miséricorde doit passer par la porte de Ma Justice...
—La miséricorde divine dans mon âme, Petit Journal de Sainte Faustine, n° 1146
Le Pape François ne peut pas ignorer les prophéties de Faustine, qui indiquent clairement que nous sommes dans un « temps de miséricorde » qui prendra bientôt fin et sera suivi d'un temps de justice. Ainsi, lorsque le Pape François ouvrit au monde les portes de l'Église, signifiait-il par là qu'il était pressé de rassembler autant d'âmes que possible dans « l'arche » de l'Église ? Comme l'enseigne le catéchisme,
L'Église est le lieu où l'humanité doit retrouver son unité et son salut. Elle est "le monde réconcilié". Elle est ce navire qui "navigue bien en ce monde au souffle du Saint-Esprit sous la pleine voile de la Croix du Seigneur" ; selon une autre image chère aux Pères de l'Église, elle est figurée par l'Arche de Noé qui seule sauve du déluge.
—Catéchisme de l'Église catholique, n° 845
Il y a un autre « déluge » qui arrive sur le monde, un Tsunami Spirituel. C'est précisément le déluge auquel François a fait référence à plusieurs reprises : celui de l'apostasie. Faisant suite à la mention qu'avait faite le Saint Père du roman apocalyptique Le Maître de la Terre, le cardinal Francis George de Chicago s'est demandé...
Qu'est-ce que ça veut dire ? Dans un sens, cela explique peut-être pourquoi il semble être pressé...
— 17 novembre 2014 ; cruxnow.com
Note de Pierre et les Loups
« J'espère mourir dans mon lit : mon successeur mourra en prison, et le sien mourra martyr sur la place publique » —Cardinal Francis George
Le cardinal Francis George a déclaré qu'il avait évoqué de manière dramatique cette perspective du martyre pour souligner avec force l'urgence posée par la question d'un sécularisme agressivement antireligieux. Il a ajouté qu'il avait confiance qu'à long terme l'Église « relèvera les débris d'une société ruinée et aidera, lentement, à reconstruire la civilisation, comme elle l'a fait si souvent dans l'histoire de l'humanité. »
Source : riposte-catholique.fr
En fait, le Pape semblait suggérer lui-même [cet empressement] :
J'ai la sensation que mon pontificat va être bref... C'est comme une vague sensation… Mais je sens que le Seigneur m'a placé ici pour un temps court...
—Entretien à la télévision mexicaine Televisa ; Réseau International, le 13 mars 2015
Il y a un autre prédicateur qui semblait pressé de rejoindre le plus grand nombre possible de pécheurs et de leur faire découvrir la miséricorde en un court laps de temps. Ce prédicateur n'était autre que Jésus Christ. Il était souvent préoccupé par le fait de devoir demeurer trop longtemps au même endroit :
Les foules le cherchaient ; elles arrivèrent jusqu'à lui, et elles le retenaient pour l'empêcher de les quitter. Mais il leur dit : « Aux autres villes aussi, il faut que j'annonce la Bonne Nouvelle du règne de Dieu, car c'est pour cela que j'ai été envoyé. »
Luc 4: 42-43
Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l'aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il pria. Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche. Ils le trouvèrent et lui dirent : « Tout le monde te cherche. » Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l'Évangile ; car c'est pour cela que je suis sorti. »
Marc 1: 35-38 (ajout de Pierre et les Loups)
Frères et soeurs, l'Église ressent en effet une "sainte urgence" sachant que le monde est en train de retomber résolument dans le paganisme.
Nous ne pouvons accepter calmement que le reste de l'humanité retombe dans le paganisme.
—Cardinal Ratzinger (Pape Benoît XVI), La nouvelle évangélisation, bâtir la civilisation de l'amour ; conférence aux catéchistes et aux professeurs de religion, 12 décembre 2000 ; cf. vatican.va
D'autre part, comme Notre Seigneur, l'Église aussi se dirige clairement vers sa propre Passion (lire Pope Francis, and the Coming Passion of the Church). Il n'est donc peut-être pas surprenant que notre devoir d'évangélisation ait aujourd'hui pris une nouvelle tonalité et une urgence ravivée — urgence que Saint Jean-Paul II, le Pape ayant canonisé Sainte Faustine — a immédiatement reconnue :
Mon contact direct avec les peuples qui ignorent le Christ m'a convaincu davantage encore de l'urgence de l'activité missionnaire... A l'égard de ce nombre immense d'hommes que le Père aime et pour qui il a envoyé son Fils, l'urgence de la mission [de l'Église] est évidente.
—Pape Jean Paul II, Redemptoris Missio, n. 1, 3; vatican.va
Et quand on est pressé, les choses peuvent sembler un peu chaotiques. Dans l'Évangile [de Marc], la mission de Jésus sembla non seulement scandaleuse aux Pharisiens, les gardiens de la Loi, mais à la famille même du Christ.
Jésus [et ses disciples] se rendirent à la maison, et la foule se rassembla de nouveau, de sorte qu'ils ne pouvaient même pas prendre leur repas. Lorsqu'ils l'apprirent, les membres de la parenté de Jésus vinrent pour s'emparer de lui, car ils disaient : « Il a perdu la raison. »
Mc 3: 20-21
Plusieurs membres de la famille de l'Église pensent que le Pape François a perdu la raison quand il se met à laver les pieds d'un groupe de femmes, qu'il s'entretient avec des athées (ou des pécheurs visiblement endurcis, ndt) et accueille des païens au Vatican. Que vous soyez ou non d'accord avec son approche, son "agenda" n'a rien de caché. Il semble pressé de faire savoir au monde entier que, quel que soit la gravité de nos péchés, le Christ ne nous rejettera jamais. François ne fait que refléter, à notre époque, le Coeur même du Christ :
« Je ne veux pas punir l'humanité endolorie, mais Je désire la guérir en l'étreignant sur Mon Coeur Miséricordieux. Je n'applique le châtiment que lorsqu'ils m'y forcent eux-mêmes ; Ma main ne prend pas volontiers le glaive de la justice ; avant le jour de la justice, J'envoie le jour de la miséricorde... » [La Sainte Vierge Marie :] « Le jour de la justice a été décidé, le jour de la colère de Dieu, les anges tremblent devant lui. Parle aux âmes de cette grande miséricorde tant qu'il est encore temps [de recourir à Sa] clémence. »
—Jésus et Marie à Sainte Faustine, La miséricorde divine dans mon âme, Petit Journal, n° 1588, 635
Oui, Jésus lui-même semble être pressé.
Mark Mallett
Pope in a Hurry ?