Un article du Stella Maris n° 472 de septembre 2010, à propos du livre « La vocation chrétienne de la France » écrit par Jean-François Chemain.
« Fille aînée de l'Eglise » ? Mais qui le dit ? Les soldats allemands avaient bien écrit « Gott mit uns » (Dieu est avec nous) sur les boucles de leurs ceinturons : notre « aînesse » relèverait-elle de la même unilatérale prétention ? Il n'en est rien, car nous ne l'avons jamais nous-mêmes revendiquée, bien au contraire elle nous a toujours été répétée, à travers les siècles, Par les Papes, chefs de I'Eglise de Rome, comme un rappel à l'ordre que nous serions trop réticents à écouter : « France, fille aînée de l'Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? ». (Saint Jean-Paul II)
L'auteur a voulu dans un livre d'accès facile, destiné avant tout à ceux pour qui l'élection divine de la France n'était pas évidente, essayer de montrer par quels signes celle-ci s'est manifestée depuis mille cinq cents ans. Car des signes de sa faveur, Dieu nous en a comblés. on connaît bien sûr le baptême de Clovis, en 498, après le miracle de la bataille de Tolbiac, mais sait-on que Constantin, premier empereur chrétien de Rome, qui vit apparaître une croix dans le ciel avant la bataille du Pont Milvius (« par ce signe, tu vaincras ») - où il commandait des soldats essentiellement gaulois - aurait fait sa première rencontre avec notre Dieu près de l'actuel Saint-Denis, où reposent tant de nos rois ? Près de la moitié des apparitions mariales reconnues par l'Eglise aux XIXè et XXè siècles ont eu lieu en France, et bien loin de chez nous, comme au Liban, la Vierge s'est plu à rappeler la préférence de son Fils pour notre pays.
Mais à côté de ces signes surnaturels, c'est une Eglise bien humaine qui a, depuis l'époque des Francs, travaillé à la constitution, aux marges de l'Empire byzantin, puis germanique, d'un Etat cathoIique suffisamment fort pour lui porter secours face aux impénitentes prétentions des empereurs à cumuler sur leur tête les deux pouvoirs, spirituel et politique. Elle y fut aidée par un ordre monastique comme celui de Cluny, par des papes français, à commencer par Urbain II, par des cardinaux - Richelieu, Mazarin - qui jouèrent un rôle essentiel dans la constitution d'un Etat fort et centralisé. En contrepartie, la France apporta à l'Eglise un soutien sans faille, de la donation des Etats pontificaux en 756 par Pépin le Bref à la défense de ces mêmes Etats par les zouaves pontificaux du général de la Moricière, en 1870. C'est ainsi la vocation millénaire de la France à défendre le Saint-Siège contre les prétentions impériales qui explique des alliances a priori contre nature - l'alliance ottomane de François Ier, I'alliance Protestante pendant la guerre de Trente-Ans - mais aussi l'accueil, pour la mettre à l'abri, de la papauté en Avignon pendant 3⁄4 de siècle.
Une telle vocation explique maint trait de notre caractère national. « Catholique » signifiant proprement « universel », on ne saurait s'étonner de la vocation universelle de notre pays, connu partout dans le monde comme patrie des Droits de l'Homme et terre d'asile. On ne peut comprendre Ia conception française intransigeante (parfois trop) de Ia laïcité si on ne la remet pas dans la perspective de l'aînesse de notre pays dans la foi catholique : ayant pendant des siècles aidé Rome à résister aux prétentions politiques des empereurs, et n'étant jamais non plus tombé dans la tentation du schisme national (contrairement à l'Angleterre, mais aussi aux pays orthodoxes et, dans une certaine mesure, à I'Allemagne protestante), la France s'est toujours voulue la gardienne de la séparation, voulue par le Christ, des ordres politique et spirituel (« rende à César ce qui est à César » ; « mon Royaume n'est pas de ce monde »). La séparation de I'Eglise et de I'Etat, en 1905, que l'on présente habituellement comme une victoire de la « République » contre le « cléricalisme », peut être analysée comme celle des catholiques « ultramontains » qui, depuis 1830, exigeaient des régimes français successifs qu'ils abandonnent leur prétention à régir les cultes, dans la tradition gallicane dont le régime concordataire mis en place par Napoléon en 1801 n'était rien d'autre qu'un avatar. Sans doute, encore, peut-on mettre notre propension nationale à I'auto-flagellation sur le compte d'une assimilation plus complète que nos voisins de Ia parabole de la paille et de la poutre !
La vocation chrétienne de la France n'appartient cependant pas au passé, et peut même apporter, si on veut bien à nouveau placer son regard dans sa perspective, des réponses à certaines des questions qui se posent aujourd'hui à nos dirigeants. On ne peut, par exemple, invoquer le fait que la Turquie soit un ennemi héréditaire de l'Europe pour lui refuser I'accès à l'Union Européenne, qui a justement été conçue par les Français Jean Monnet et Robert Schuman comme un instrument de réconciliation entre anciens ennemis héréditaires. Il est bien plus cohérent de lui laisser la responsabilité de renoncer d'elle-même à sa demande, qui implique bien évidemment une repentance sur le génocide arménien qu'elle est incapable de faire. Autre exemple évoqué par le livre, toujours à propos de l'unité européenne, la vocation particulière de Ia France, qui certes l'a placée en moteur d'un processus d'inspiration chrétienne (« Europe du pardon et de la réconciliation »), doit naturellement la conduire à rejeter, en ce qui la concerne, tout « approfondissement » de I'Union, qui dissoudrait notre pays dans un ensemble supranational indifférencié.
Ce livre, conçu comme un plaidoyer destiné avant tout à convaincre de la vocation chrétienne de la France les décideurs politiques de tous niveaux, se termine par une exhortation, adressée à tous ceux qui le liront, de prendre exemple sur les plus grands de leurs prédécesseurs qui, à I'image de Clovis, Saint Louis, Louis XIII et tant d'autres ont fait, à un moment de leur vie, une rencontre personnelle avec le Christ. Cette rencontre Ies a conduits à mettre en conjonction leur propre « plan de carrière », celui de Dieu pour la France et la construction du Royaume. L'auteur, en « banlieue de l'islam », appelle ceux qui auront à faire face aux graves événements, quels qu'ils soient, que traversera inévitablement notre pays, à ne pas oublier Ie testament de saint Rémy :
« Le royaume de France est prédestiné par Dieu à la défense de I'Eglise romaine (...). Il durera jusqu'à la fin des temps. Il sera victorieux et prospère tant qu'il sera fidèle à la foi romaine, mais il sera rudement châtié toutes les fois qu'il sera infidèle à sa vocation.»
Jean-François Chemain
Jean-François Chemain a changé de vie il y a une dizaine d'années. Ce jeune cadre bardé de diplômes prestigieux qui se sentait en recherche d'absolu et d'engagement retrouve un beau jour Dieu et décide de donner un nouveau sens à sa vie. Il passe alors l'agrégation d'histoire pour l'enseigner dans une ZEP de la banlieue lyonnaise. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont « Kiffe la France ! », « Petit manuel des valeurs et repères de la France » (co-écrit avec Dimitri Casali) et « La vocation chrétienne de la France »