Renaissance, réforme et révolution
Nous abordons ici un sujet d'histoire, ou plus exactement de philosophie de l'histoire. Pour bien le cerner, il nous faut aborder certaines données philosophiques, voire théologiques concernant l'Homme.
La civilisation chrétienne et la civilisation moderne sont deux conceptions de la fin dernière de l'Homme diamétralement opposées.
« Le but de tout homme est d'être heureux » dit Bossuet. Or, si le bonheur se trouve en Dieu créateur et maître de toutes choses, c'est au libre-arbitre de chaque homme de choisir ou il veut le trouver... Depuis la faute originelle, l'humanité s'est fourvoyée sur la route de l'orgueil, qui lui fait mettre sa fin en elle-même. (cf. les diverses civilisations antiques...) Puis, le Sauveur s'est incarné pour montrer à nouveau aux hommes la voie salvifique du vrai bonheur. L'amour du prochain, même de ses ennemis, le pardon, bref, les huit béatitudes renversèrent les idées reçues jusqu'alors. Et l'Eglise perpétua et propagea ces vérités à la face de la terre.
Alors, du Ier au XIIIème siècle, les peuples grandirent en sagesse et en science devant Dieu, au fur et à mesure de l'application dans la société des principes évangéliques. Certes, il y eut parfois des défaillances et même des reculs non négligeables, mais la Loi, la Règle de référence à laquelle revenaient les hommes dès la fin de leurs égarements était l'Evangile du Christ-Roi.
Avant de poursuivre, faisons rapidement le point sur ce qu'était alors la Civilisation Chrétienne.
« A mesure que l'esprit chrétien pénétrait les âmes et les peuples, âmes et peuples montaient dans la lumière et dans le bien. Les coeurs devenaient plus purs, les esprits plus intelligents. [Ceux-ci] introduisaient dans la société un ordre plus harmonieux. L'ordre plus parfait rendait la paix plus générale et plus profonde ; la paix et l'ordre engendraient la prospérité, et toutes ces choses donnaient ouverture aux arts et aux sciences, ces reflets de la lumière et de la beauté des cieux. »
— Mgr Henri Delassus
Et n'est-ce pas là l'expression de l'Evangile : « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît » (1 Tm 4: 8).
L'œuvre du moyen-âge fut de réformer la société antique, et de faire triompher l'idée que Jésus-Christ avait donné de la vraie civilisation. Pour y arriver, elle s'attacha à réformer le coeur de l'homme ; puis vint la réforme de la famille ; puis l'ensemble des familles réforma l'état et la société.
Cette ascension des nations vers la perfection eut son sommet au XIIIème siècle, avec saint Louis de France et sainte Elisabeth de Hongrie, saint François d'Assise, saint Dominique et saint Thomas d'Aquin. Mais déjà vers la fin du XIVème siècle se manifesta un certain recul, qui devait amener, après les temps obscurs du XVème (guerre de cent ans, pestes...) à la Renaissance, puis à la Réforme et [enfin] à la Révolution. Ces étapes progressives construiront les différents aspects de la civilisation moderne.
Celle-ci, pour sa destruction de la chrétienté suivra le chemin exactement inverse de celui suivi pour sa construction : Les attaques seront tout d'abord [portées] contre l'Etat, puis contre la famille, puis contre l'individu... Satan n'est-il pas « le singe » de Dieu, qui retourne toute la symbolique du plan divin ? Le Temple païen est l'Eglise renversée, comme la civilisation moderne est la civilisation chrétienne inversée, transformée, détournée.
On peut d'ores et déjà qualifier cette civilisation par les mots conflit, guerre. Il s'agit bien en effet « de la poursuite par tous de toutes les jouissances, la guerre pour se les procurer, d'homme à homme, de classe à classe, de peuple à peuple. » (Mgr Delassus). On voit déjà ici combien est lointaine la morale évangélique...
La Renaissance
Définitions :
Renaissance = Humanisme.
« La Renaissance est l'indépendance de la morale vis-à-vis de la loi de Dieu » (Mgr Delassus)
« La Renaissance est la dissociation de la nature et de la grâce, l'affirmation de la beauté et de la bonté de la nature sans la grâce » (Marcel Clément).
« A Dieu doit être laissé le soin des choses divines, au juge humain la compétence pour les choses humaines... » (Alberti, promoteur de la Renaissance au XVIème siècle).
Un écrivain du siècle dernier raconte ainsi les débuts de la Renaissance :
« Dans une époque de relâchement, d'affaissement à peu près général de la vie religieuse (XVème), d'affaiblissement de l'autorité des papes (Avignon), d'invasion de l'esprit mondain dans le clergé, de décadence de la philosophie et de la théologie scholastique, de désordre effroyable dans la vie civile et politique, on mit sous les yeux d'une génération surexcitée les déplorables leçons de la littérature antique. Sous l'influence d'une admiration excessive pour celle-ci, on arbora franchement l'étendard du paganisme. Les adhérents de cette réforme prétendirent tout modeler sur l'antiquité, les mœurs aussi bien que les idées, et ils rétablirent la prépondérance de l'esprit païen. Ils considéraient leur philosophie antique et leur foi en l'Eglise comme deux mondes entièrement distincts et sans aucun point de contacts. »
Ils voulaient que l'Homme [cherche] son bonheur sur la terre et que la société s'organise pour procurer à chacun de quoi satisfaire pleinement tous ses sens.
Ainsi, l'homme changea sa conception de sa fin.
« A l'Homme déchu et racheté, la Renaissance opposa l'Homme ni déchu ni racheté, s'élevant à une admirable hauteur par les seules forces de sa raison et de son libre-arbitre. »
— M. Bériot
On est ici bien loin de la conception chrétienne qui affirme que le coeur est pour aimer Dieu, l'esprit pour le connaître et le corps pour le servir...
Les succès humains que furent les nouvelles inventions (imprimerie, poudre, télescope...), la découverte du Nouveau Monde, la (re)découverte des œuvres antiques grisèrent alors l'orgueil de l'Homme, et lui firent affirmer que seule la Raison peut le gouverner.
Les ravages de la Renaissance se manifestèrent en premier lieu dans l'ordre esthétique et intellectuel. L'art, la littérature et la science se retirèrent peu à peu du service de l'âme, pour servir le corps et ses passions.
La révolution morale était en marche, et elle allait déboucher sur la révolution religieuse : la Réforme.
La Réforme
Définitions :
« La Réforme est l'indépendance de la raison vis-à-vis de la révélation » (Mgr Delassus)
« La Réforme est le divorce [entre] la raison humaine et la raison divine, le libre-examen de l'individu se dressant contre la grâce miséricordieuse du magistère exercé par le vicaire du Christ » (Marcel Clément).
Il convient de bien distinguer deux choses dans la Réforme :
- Les nouvelles idées religieuses, qui veulent « réformer l'Eglise et lui faire retrouver sa pureté originelle » (Luther)
- Le phénomène de prise de pouvoir politique dans certains pays européens par des protestants...
Les idées humanistes, appliquées dans le domaine de la religion vont conduire au libre-arbitre. Pourquoi en effet, l'Homme se soumettrait-il aux données de la Révélation pour ce qui est du domaine religieux, puisqu'il affirme que Dieu n'a aucune autorité sur ce qui ne touche pas à la Foi ? Chaque homme est capable par sa propre raison de définir ce qui est vrai dans la Foi : c'est le libre-arbitre, prôné par Luther, Calvin... Plus aucune place ici pour l'interprétation de la Parole divine par une quelconque autorité
Après l'étape de la laïcisation de la société qu'est la Renaissance, les « réformateurs » passent à la « laïcisation » de la religion, en lui ôtant tout ce qu'elle a de Divin...
De surcroît, la « religion » protestante « assurait une plus grande liberté dans la conduite privée ». En promettant le paradis à tout homme, même le plus criminel, sous la seule réserve d'un acte de foi intérieur (possible seulement aux prédestinés), la Réforme s'assurait un certain succès chez des individus aux mœurs déjà corrompues par la Renaissance...
« Employez votre pouvoir à ma soutenir et à faire triompher ma révolte contre l'Eglise, et je vous livre toute l'autorité religieuse » disait Luther aux princes protestants. On comprend alors la rapidité et l'efficacité de la Réforme en Allemagne, en Angleterre et en Scandinavie. Si la France résista victorieusement à ces assauts, ce ne fût que de justesse, après cinquante années de guerres, menées grâce à l'enracinement très profond des principes chrétiens en la fille aînée de l'Eglise.
Mais « le régime de Genève », type et vitrine de la démocratie laïque, (où le roi règne et ne gouverne pas, car le peuple est souverain...) contenait déjà les prémisses de la Révolution française, et les idées de celui-ci se répandaient pernicieusement, au fil des ans...
La Révolution
Définitions :
« La révolution a pour but de façonner un homme nouveau, en détruisant la constitution chrétienne de la France » (Constitution de 1792)
« La révolution est inspirée par Satan lui-même ; son but est de détruire de fond en comble l'édifice du christianisme, et de reconstruire sur ses ruines l'ordre social du paganisme » (Pie IX)
« On ne pourra jamais construire un pays de liberté avec le catholicisme. » [Citant la pensée d'Edgar Quinet qu'il fait pour ainsi dire sienne :] « La Révolution française a échoué parce qu'on ne peut pas faire simplement une révolution dans la matière. Il faut la faire dans les esprits. Or, on a fait la révolution essentiellement politique mais pas la révolution morale et spirituelle. On a laissé le moral et le spirituel à l'Eglise catholique. Il faut remplacer cela. Et l'échec de 1848 où l'Eglise catholique, les prêtres sont venus bénir les arbres de la liberté des révolutionnaires, c'est la preuve qu'on ne pourra jamais construire un pays de liberté avec la religion catholique. »
– Vincent Peillon, ancien ministre de l'Éducation nationale (France) ; La Révolution française n'est pas terminée, 2008 ; famillechretienne.fr, voir la vidéo ici et ici (ajout)
« La Révolution française est l'irruption dans le temps de quelque chose qui n'appartient pas au temps, c'est un commencement absolu, c'est la présence et l'incarnation d'un sens, d'une régénération et d'une expiation du peuple français. 1789, l'année sans pareille, est celle de l'engendrement par un brusque saut de l'histoire d'un homme nouveau. La révolution est un événement méta-historique, c'est-à-dire un événement religieux. La révolution implique l'oubli total de ce qui précède la révolution. Et donc l'école a un rôle fondamental, puisque l'école doit dépouiller l'enfant de toutes ses attaches pré-républicaines pour l'élever jusqu'à devenir citoyen. Et c'est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l'école et par l'école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la loi. »
— Vincent Peillon ; 24 mai 2013 libertepolitique.com (ajout)
En quelques mois, la révolution fit table rase du gouvernement, des lois et des institutions de la France.
Elle détruisit successivement tous les ordres qui retenaient la France à sa tradition chrétienne multiséculaire. Elle mit hors d'état de nuire le clergé, puis elle supprima le roi et les nobles, enfin, elle détruisit les corporations ouvrières. Et la République fut proclamée... c'était la révolution politique.
Jetons un voile pudique sur toutes les horreurs dont furent accompagnées ces destructions successives, et que chacun connaît un peu ; disons seulement que beaucoup de sang coula...
Après ces destructions, il fallait rebâtir :
Les révolutionnaires donnèrent pour fondement à la nouvelle société le principe de « l'homme bon par nature » (Rousseau). Là-dessus fut élevée la trilogie maçonnique : Liberté, Egalité, Fraternité.
- Liberté, à tous et pour tout, puisqu'il n'y a en l'homme que de bons instincts...
- Egalité, parce que tous sont également bons, donc ont des droits égaux en tout...
- Fraternité, en rupture de toute barrière entre les individus, familles ou nations, pour laisser le genre humain s'embrasser dans une république universelle...
A la religion catholique fut substitué le culte de la Nature. Elle avait un dieu : l'Etre Suprême, et une déesse, la Raison ; elle avait des dogmes : la liberté, la volupté, la loi et la nation.
Ainsi, « l'homme put revenir à la pureté et à la simplicité de la Nature. » (Talleyrand)
A la royauté fut substituée la démocratie révolutionnaire, pour perpétuer les réformes. Tout ce qui pouvait rappeler l'ancien temps fut proscrit (jusqu'au calendrier)...
Les résultats furent épouvantables. L'Homme retourna à l'état d'animal, et au bout de dix ans, la France était retournée aux temps les plus barbares de son histoire. Réalisme chrétien et utopisme révolutionnaire...
Alors arriva fort opportunément Napoléon, qui sauva la Révolution de sa propre ruine en l'endiguant. Il rétablit l'Eglise de France par le concordat, mais ne rétablit point la civilisation chrétienne... Les institutions révolutionnaires perdurèrent. Et au fil du temps, la Révolution continua et continue toujours à saper le règne du Christ pour instaurer toujours davantage celui de Satan.
Et notre siècle n'est que la continuation du précédent, fondé sur les mêmes idées, qui progressent sans cesse. Les racines de notre mal sont profondes...
Conclusion
La Renaissance déplaça le lieu du bonheur, et changea ses conditions : il était en notre monde et non plus dans l'autre, il était par la jouissance et non plus par le mérite.
La Réforme écarta l'autorité religieuse qui disait : « Vous vous trompez, le bonheur est au ciel ». Seule, la Bible restait pour affirmer la Vérité...
La Révolution nia que Dieu eut jamais parlé aux hommes, et noya dans le sang ceux qui continuaient à affirmer la vérité. Puis elle institua le culte de la Nature. (Lire Le nouveau paganisme)
Toutes ces transformations profondes de la civilisation, toute ces attaques contre l'Eglise du Christ ne se firent toutefois point sans résistance. Beaucoup d'âmes restèrent et restent toujours attachées à l'idéal chrétien de la civilisation chrétienne du Christ-roi. Et c'est de là que viennent les innombrables conflits d'idées depuis près de cinq siècles...
Bibliographie
- La Conjuration Antichrétienne Mgr H.Delassus (voir ci-dessous)
- Histoire de France J. Bainville (Chiré)
- Histoire partiale, histoire vraie J. Guiraud Ed Beauchesne (4vol)
- Pour en finir avec le moyen-âge R. Pernoud
- Connaissance élémentaire du protestantisme, AFS (nbx articles dans la revue)
- La Révolution française P. Gaxotte
- L'Eglise face à la Révolution J. Crétineau-Joly Ed C.R.F. (Chiré)
Mgr Henri Delassus au sujet de la franc-maçonnerie, du solicalisme, du naturalisme et du nouveau paganisme
Tous ces extraits sont tirés du livre La Conjuration Antichrétienne : La temple maçonnique voulant s'élever sur les ruines de l'Eglise catholique.
L'art détourné de ses fins
L'Eglise [...] avait mis l'art au service de Dieu, appelant les artistes à coopérer à la propagation du royaume de Dieu sur la terre et les invitant « à annoncer l'Evangile aux pauvres. » Les artistes, répondant fidèlement à cet appel, n'élevaient pas le beau sur un autel pour en faire une idole et l'adorer pour lui-même ; ils travaillaient « pour la gloire de Dieu ». Par leurs chefs-d'œuvre ils souhaitaient éveiller et augmenter dans les âmes le désir et l'amour des biens célestes. Tant que l'art conserva les principes religieux qui lui avaient donné naissance, il fut dans un constant progrès. Mais dans la mesure où s'évanouirent la fidélité et la solidité des sentiments religieux, il vit l'inspiration lui échapper. Plus il regarda les divinités étrangères, plus il voulut ressusciter et donner une vie factice au paganisme, et plus aussi il vit disparaître sa force créatrice, son originalité ; il tomba enfin dans une sécheresse et une aridité complètes.
(...)
La seule véritable civilisation est celle qui aboutit à l'idée de Dieu
Sous l'influence de ces intellectuels, la vie moderne prit une direction toute nouvelle qui fut l'opposé de la vraie civilisation. Car, comme l'a fort bien dit Lamartine :
« Toute civilisation qui ne vient pas de l'idée de Dieu est fausse. Toute civilisation qui n'aboutit pas à l'idée de Dieu est courte. Toute civilisation qui n'est pas pénétrée de l'idée de Dieu est froide et vide. La dernière expression d'une civilisation parfaite, c'est Dieu mieux vu, mieux adoré, mieux servi par les hommes. »
Le changement s'opéra d'abord dans les âmes. Beaucoup perdirent la conception d'après laquelle toute fin est en Dieu pour adopter celle qui veut que tout soit en l'homme. « A l'homme déchu et racheté, dit fort bien M. Bériot, la Renaissance opposa l'homme ni déchu, ni racheté, s'élevant à une admirable hauteur par les seules forces de sa raison et de son libre arbitre. » Le cœur ne fut plus pour aimer Dieu, l'esprit pour le connaître, le corps pour le servir, et par là mériter la vie éternelle. La notion supérieure que l'Eglise avait mis tant de soin à fonder, et pour laquelle il lui avait fallu tant de temps, s'oblitéra dans celui-ci, dans celui-là, dans des multitudes ; comme au temps du paganisme, elles firent du plaisir, de la jouissance, le but de la vie ; elles en cherchèrent les moyens dans la richesse, et, pour l'acquérir, on ne tint plus autant compte des droits d'autrui. Pour les Etats, la civilisation ne fut plus la sainteté du grand nombre, et les institutions sociales des moyens ordonnés à préparer les âmes pour le ciel. De nouveau, ils renfermèrent la fonction de la société dans le temps, sans égard aux âmes faites pour l'éternité. Alors comme aujourd'hui, ils appelèrent cela le progrès ! « Tout nous annonce, s'écriait avec enthousiasme Campanello, le renouvellement du monde. Rien n'arrête la liberté de l'homme. Comment arrêterait-on la marche et le progrès du genre humain ? » [...] Nous n'avons pas besoin d'une autorité qui soutienne ou redresse la raison.
Ainsi fut renversée la notion sur laquelle la société avait vécu et par laquelle elle avait prospéré depuis Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Retour à la civilisation païenne
La civilisation renouvelée du paganisme agit d'abord sur les âmes isolées, puis sur l'esprit public, puis sur les mœurs et les institutions. Ses ravages se manifestèrent en premier lieu dans l'ordre esthétique et intellectuel : l'art, la littérature et la science se retirèrent peu à peu du service de l'âme pour se mettre aux gages de l'animalité : ce qui amena dans l'ordre moral et dans l'ordre religieux cette révolution qui fut la Réforme.
De l'ordre religieux, l'esprit de la Renaissance gagna l'ordre politique et social avec la Révolution. Le voici s'attaquant à l'ordre économique avec le socialisme. C'est là qu'il devait en venir, c'est là qu'il trouvera sa fin, ou nous, la nôtre ; sa fin, si le christianisme reprend son empire sur les peuples effrayés ou plutôt accablés des maux que le socialisme fera peser sur eux ; la nôtre, si le socialisme peut pousser jusqu'au bout l'expérience du dogme de la libre jouissance ici-bas et nous en faire subir toutes les conséquences.
Cela ne se fit point cependant, et cela ne se continue point, sans résistance. Une multitude d'âmes restèrent et restent toujours attachées à l'idéal chrétien, et l'Eglise est toujours là pour le maintenir et travailler à son triomphe. De là, au sein de la société, le conflit qui dure depuis cinq siècles, et qui est aujourd'hui arrivé à l'état aigu.
Tout ce dont nous souffrons vient de là
La Renaissance est donc le point de départ de l'état actuel de la société. Tout ce dont nous souffrons vient de là. Si nous voulons connaître notre mal, et tirer de cette connaissance le remède radical à la situation présente, c'est à elle qu'il faut remonter. (p. 18-20)
(...)
Toutes les erreurs qui depuis ont perverti le monde chrétien, tous les attentats perpétrés contre ses institutions, ont eu là leur source ; on peut dire que tout ce à quoi nous assistons a été préparé par les humanistes. Ils sont les initiateurs de la civilisation moderne... Alberti (promoteur de la Renaissance au XVIème siècle) prépara une autre sorte d'attentat [...] en déclarant « à Dieu doit être laissé le soin des choses divines, et [...] les choses humaines sont de la compétence du juge ». C'était, comme l'observe M. Guiraud, proclamer le divorce de la société civile et de la société religieuse ; c'était ouvrir les voies à ceux qui veulent que les gouvernements ne poursuivent que des fins temporelles et restent indifférents aux spirituelles, défendent les intérêts matériels et laissent de côté les lois surnaturelles de la morale et de la religion ; c'était dire que les pouvoirs terrestres sont incompétents ou doivent être indifférents en matière religieuse, qu'ils n'ont point à connaître Dieu, qu'ils n'ont pas à faire observer sa loi. C'était en un mot formuler la grande hérésie sociale du temps présent, et ruiner par sa base la civilisation des siècles chrétiens.
Le principe proclamé par ce secrétaire apostolique renfermait en germe toutes les théories dont se réclament nos modernes « défenseurs de la société laïque ». Il n'y avait qu'à laisser ce principe se développer pour arriver à tout ce dont nous sommes aujourd'hui les témoins attristés. Attaquant ainsi par la base la société chrétienne, les humanistes renversaient en même temps dans le cœur de l'homme la notion chrétienne de sa destinée. [...] Sur tous les points, le divorce se faisait donc entre les tendances de la Renaissance et les traditions du christianisme. Tandis que l'Eglise continuait à prêcher la déchéance de l'homme, à affirmer sa faiblesse et la nécessité d'un secours divin pour l'accomplissement du devoir, l'humanisme prenait les devants sur Jean-Jacques Rousseau pour proclamer la bonté de la nature : il déifiait l'homme. Tandis que l'Eglise assignait à la vie humaine une raison et un but surnaturels, plaçant en Dieu le terme de notre destinée, l'humanisme, redevenu païen, limitait à ce monde et à l'homme lui-même l'idéal de la vie. (p. 22-23)
Les diverses péripéties de ce long drame tiennent en suspens le ciel, la terre et l'enfer ; car si la France finit par rejeter le venin révolutionnaire, elle restaurera dans le monde entier la civilisation chrétienne qu'elle fut la première à comprendre, à adopter et à propager. Si elle succombe, le monde a tout à craindre.
(...)
La Réforme de Luther
Le protestantisme nous vint de l'Allemagne et surtout de Genève. Il est bien nommé. Il était impossible de qualifier la Réforme de Luther autrement que par un mot de protestation, car elle est protestation contre la civilisation chrétienne, protestation contre l'Eglise qui l'avait fondée, protestation contre Dieu de qui elle émanait. Le protestantisme de Luther est l'écho sur la terre du Non serviam de Lucifer. Il proclame la liberté, celle des rebelles, celle de Satan : le libéralisme. Il dit aux rois et aux princes : « Employez votre pouvoir à soutenir et à faire triompher ma révolte contre l'Eglise et je vous livre toute l'autorité religieuse ». Tout ce que la Réforme avait reçu de la Renaissance et qu'elle devait transmettre à la Révolution est dans ce mot : Protestantisme.
Beaucoup de gens embrassèrent la Réforme [...] avec l'espérance qu'elle leur assurerait une plus grande liberté dans la conduite privée. » C'est qu'en effet il y a entre le catholicisme et le protestantisme, tel qu'il fut prêché par Luther, une différence radicale sous ce rapport. Le catholicisme promet des récompenses futures à la vertu et menace le vice de châtiments éternels ; par là, il met aux passions humaines le frein le plus puissant. La Réforme, elle, venait promettre le paradis à tout homme, même le plus criminel, sous la seule réserve d'un acte de foi intérieur à sa justification personnelle par l'imputation des mérites du Christ. Si, par le seul effet de cette persuasion, qu'il est facile de se donner, les hommes sont assurés d'aller en paradis tout en continuant de se livrer au péché, même au crime, bien sot serait celui qui renoncerait à se procurer ici-bas tout ce qu'il trouve à sa portée. (p. 25-26)
Renverser l'édifiée social pour le rebâtir à neuf
Ainsi que le démontrera la conclusion de ce livre, tout le mouvement imprimé à la chrétienté par la Renaissance, la Réforme et la Révolution est un effort satanique pour arracher l'homme à l'ordre surnaturel établi par Dieu à l'origine et restauré par Notre-Seigneur Jésus-Christ au milieu des temps, et le confiner dans le naturalisme.
Comme tout était chrétien dans la constitution française, tout était à détruire. La Révolution s'y employa consciencieusement. En quelques mois, elle fit table rase du gouvernement de la France, de ses lois et de ses institutions. Elle voulait « façonner un peuple nouveau — c'est l'expression qu'on retrouve, à chaque page, sous la plume des rapporteurs de la Convention; bien mieux « refaire l'homme » lui-même.
Aussi, les Conventionnels, conformément à la conception nouvelle que la Renaissance avait donnée des destinées humaines, ne bornèrent point leur ambition à la France ; ils voulurent inoculer la folie révolutionnaire aux peuples voisins, à tout l'univers. Leur ambition était de renverser l'édifiée social pour le rebâtir à neuf. « La Révolution, disait Thuriot à l'Assemblée législative, en 1792, n'est pas seulement pour la France ; nous en sommes comptables à l'humanité. Siéyès avait dit avant lui, en 1788 : « Elevons-nous tout d'un coup à l'ambition de vouloir nous-mêmes servir d'exemple aux nations. Et Barrère, au moment on les Etats-Généraux se réunissaient à Versailles : « Vous êtes, dit-il, appelés à recommencer l'histoire. (p. 29)
(...)
Inutile de nous étendre longuement sur l'œuvre entreprise par la Révolution. Le Pape Pie IX l'a caractérisée d'un mot, dans l'Encyclique du 8 décembre 1849 : « La Révolution est inspirée par Satan lui-même; son but est de détruire de fond en comble l'édifice du christianisme et de reconstruire sur ses ruines l'ordre social du paganisme. » ... Nous n'avons point à faire ici le tableau de ces ruines et de ces constructions. Disons seulement que, pour ce qui est de l'édifice politique, la Révolution s'empressa de proclamer la République, que la Renaissance avait rêvée pour Rome même, que les protestants avaient déjà voulu substituer en France à la monarchie, et qui aujourd'hui fait si bien les œuvres de la franc-maçonnerie.
Disciples de J.-J. Rousseau, les Conventionnels de 1792 donnèrent pour fondement au nouvel édifice ce principe, que l'homme est bon par nature ; là-dessus, ils élevèrent la trilogie maçonnique : liberté, égalité, fraternité. Liberté à tous et pour tout, puisqu'il n'y a en l'homme que de bons instincts ; égalité, parce que, également bons, les hommes ont des droits égaux en tout; fraternité, ou rupture de toutes les barrières entre individus, familles, nations, pour laisser le genre humain s'embrasser dans une République universelle [communiste].
Le nouveau paganisme ou le retour au culte de la nature
En fait de religion, on organisa le culte de la nature. Les humanistes de la Renaissance l'avaient appelé de leurs vœux. Les protestants n'avaient osé pousser la Réforme jusque-là. Nos révolutionnaires le tentèrent.
(...)
« Le grand but poursuivi par la Révolution, disait Boissy-d'Anglas, c'est de ramener l'homme à la pureté, à la simplicité de la nature. » Poètes, orateurs, Conventionnels, ne cessaient de faire entendre des invocations à « la Nature ». Et le dictateur Robespierre marquait en ces mots les tendances, la volonté des novateurs : « Toutes les sectes doivent se confondre d'elles-mêmes dans la religion universelle de la Nature. » C'est actuellement ce que veut l'Alliance Israélite Universelle, ce à quoi elle travaille, ce qu'elle a mission d'établir dans le monde, seulement avec moins de précipitation et plus de savoir-faire.
Rien ne pouvait mieux répondre aux aspirations des humanistes de la Renaissance. Dans la fête du 10 août 1793, une statue de la Nature fut élevée sur la place de la Bastille, et le président de la Convention, Hérault de Séchelles, lui adressa cet hommage au nom de la France officielle :
« Souveraine des sauvages et des nations éclairées, ô Nature ! Ce peuple immense, assemblé aux premiers rayons du jour devant ton image, est digne de toi. Il est libre ; c'est dans ton sein, c'est dans tes sources sacrées, qu'il a recouvré ses droits, qu'il s'est régénéré. Après avoir traversé tant de siècles d'erreurs et de servitude, il fallait rentrer dans la simplicité de tes voies pour retrouver la liberté et l'égalité. Nature, reçois l'expression de l'attachement éternel des Français pour tes lois ! »
Le procès-verbal ajoute :
« À la suite de cette espèce d'hymne, seule prière, depuis les premiers siècles du genre humain, adressée à la Nature par les représentants d'une nation et par ses législateurs, le président a rempli une coupe, de forme antique, de l'eau qui coulait du sein de la Nature : il en a fait des libations autour de la Nature, il a bu dans la coupe et l'a présentée aux envoyés du peuple français. »
On le voit, le culte est complet : prière, sacrifice, communion. (p. 30-32)
Note de Pierre et les Loups : autant vous dire que le culte de la pachamama à l'automne 2019, dans les Jardins du Vatican, était tout sauf anodin ! Et pour cause : l'Eglise elle-même a été infiltrée par la franc-maçonnerie, par des loups révolutionnaires déguisés en habits de bergers avec pour mission de la détruire de l'intérieur, afin d'ériger à sa place une fausse église, celle de Satan. Lire au sujet de la franc-maçonnerie ecclésiastique les avertissements de Notre Dame au Père Gobbi, dans le livre bleu, Au Prêtres, les fils de prédilection de la Vierge, notamment les n° 314, 384, 386, 405 à 407.
L'esprit de rébellion contre Dieu a séduit l'humanité ; l'athéisme est entré dans beaucoup d'âmes et y a éteint toute lumière de foi et d'amour. C'est le Dragon rouge dont a parlé la Bible ; lisez-la, mes fils, car les temps actuels sont ceux de sa réalisation ! Combien de mes enfants sont désormais victimes de cette erreur de Satan ! Même parmi mes Prêtres, comme ils sont nombreux ceux qui ne croient plus, et pourtant demeurent encore dans mon Église, vrais loups déguisés en agneaux, et qui ruinent un nombre incalculable d'âmes ! Désormais, rien ne peut plus retenir la main de la justice de Dieu qui, bientôt, se déchaînera encore contre Satan et ses suppôts, grâce à l'amour, la prière et la souffrance des élus. Des moments de grandes et indicibles tribulations se préparent ; si les hommes savaient, peut-être se convertiraient-ils ! Mais qui a écouté mes messages, qui a compris le sens de mes larmes, de mes maternelles invitations ? Presque personne, quelques rares âmes ignorées, grâce auxquelles le châtiment est encore éloigné... Priez, priez, priez, vous âmes choisies, formées et préparées par Moi si maternellement. Surtout vous, mes Prêtres ; abandonnez les choses vaines et superflues ; les moments actuels sont critiques ; il faut que vous ne viviez qu'avec Moi, en Moi, pour Moi. Soyez vigilants, soyez prêts : bientôt J'aurai besoin de vous, car les temps de mon triomphe sont arrivés !
— Ibid. n° 28