Michael O'Brien : « Nous n’avons pas compris que la destruction de la civilisation chrétienne allait détruire la civilisation en elle-même »


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Catégorie : Culture, littérature, cinéma

Auteur : La Croix

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Écrivain catholique au succès international, le Canadien Michael O'Brien développe dans ses romans sa vision de l'homme, en perpétuelle recherche du sens de la vie et de Dieu.

Extraits de la présentation de Michael O'Brien publiée le 26 janvier 2019 sur le site de La Croix

Dans la chapelle de la Médaille miraculeuse, rue du Bac, à Paris, la messe vient de finir. Dans l'agitation des pèlerins qui se recueillent encore quelques instants au pied de la statue de la Vierge, une silhouette imposante et tranquille se dégage.

Plongé dans la prière, Michael O'Brien ne semble pas se rendre compte des appels répétés à sortir de l'église, sur le point de fermer. Bon dernier à quitter les lieux, il nous salue, simplement et gentiment, à la sortie. C'est lui qui a demandé à son éditeur à être logé non loin de ce haut lieu de spiritualité mariale.

Écrivain catholique à la renommée internationale

Depuis le début de sa semaine à Paris (janvier 2019), où il se trouve pour la promotion de [l'édition française de] son [...] roman, Le Journal de la peste [1] (en attendant la traduction du dernier volet de sa trilogie majeure, « Eclipse of the Sun », à lire en anglais si possible — Note de Pierre et les Loups) – l'histoire d'un journaliste qui voit passer son pays de la démocratie au totalitarisme –, il s'y est rendu tous les jours. Alors que l'on marche à ses côtés dans les rues, des passants se retournent, comme intrigués par ce bon géant qui semble déambuler hors du temps dans les rues froides du très chic 7e arrondissement.

Car Michael O'Brien, écrivain catholique à la renommée internationale, a avant tout la sensibilité d'un mystique. Sa recherche de Dieu, son approche eschatologique de la vie et du monde, « le combat décisif entre le bien et le mal », qui se joue à différentes échelles, personnelle et collective, tout cela transparaît dans ses ouvrages. À commencer par celui qui l'a rendu célèbre dans les cercles des fans de Tolkien et de Dostoïevski, dont son style est clairement inspiré, « Père Elijah (Elie), Une apocalypse », l'épopée d'un juif rescapé de la Shoah, converti et devenu religieux carme en Israël, envoyé en mission par le Vatican pour démasquer l'antéchrist.

Peintre autodidacte, engagé dans l'art chrétien

Pourtant, c'est d'abord dans la peinture que ce Canadien à la barbe blanche et au regard doux s'est engagé il y a longtemps avec une forte conviction : être un artiste chrétien. Quoique la mondanité des milieux artistiques l'eût toujours rebuté. «  J'ai toujours été tiraillé entre la nécessité de me faire connaître dans les milieux de l'art et la vanité que j'y voyais », décrit-il aujourd'hui.

(...)

Une expérience spirituelle déterminante

[Une nuit, alors qu'il se trouve] seul dans sa chambre, il vit une expérience spirituelle déterminante. Sentant approcher une « puissance démoniaque », il se surprend lui-même à invoquer le nom du Christ. Aussitôt, une profonde paix l'envahit. « Cet épisode a été celui de ma conversion, aussi fulgurante que celle de saint Paul », raconte l'artiste. Il a [alors] 21 ans.

Son chemin artistique débute quelques années plus tard. L'apprentissage commence par la peinture d'icônes et son talent apparaît rapidement. Au fil des tableaux – sa production est considérable –, son style s'affirme. Nous sommes dans les années 1970. Michael O'Brien vit dans un lieu reculé de la Colombie britannique. (...)

La radicalité d'une vie sobre et dépouillée

L'appel à s'engager dans la voie de l'art sacré est de plus en plus pressant. Il sera peintre, et mettra son art au service de la foi, grâce aux encouragements de son épouse, qui l'invite à « unifier » sa personne : le croyant et l'artiste. Dès ses débuts, le couple n'aura de cesse de vivre la radicalité d'une vie sobre et dépouillée… parfois à l'extrême, au gré de déménagements et de conditions de vie parfois rudes, notamment dans le grand Nord canadien.

À mesure qu'arrivent les enfants – ils en auront 6 –, ce dénuement, lié aux revenus de l'artiste, chrétien de surcroît, fait douter Michael. Plus d'une fois, c'est la providence qui nourrira sa famille, par le biais de voisins ou des restes d'un monastère de clarisses situé non loin de leur domicile.

« Je m'interrogeais perpétuellement sur le bien-fondé de notre démarche, j'alternais entre courage et désespoir », confie aujourd'hui Michael O'Brien. Au coeur de ses questionnements intérieurs, et avec le soutien indéfectible de sa femme, le peintre et père voit se « frayer la main de Dieu ».

Un premier roman écrit à 30 ans

Rapidement, son art, vécu comme une mission, se diversifie. Son premier roman, il l'écrit à 30 ans. Mais ce n'est que tardivement, en 1996, que sa première fiction est publiée aux États-Unis. Le succès ne tardera pas, et bientôt, ses ouvrages sont traduits en plusieurs langues.

(...)

Avec la neige et les grands lacs comme toile de fond, l'exil parcourt son oeuvre. « Le Canada est une nation d'exilés, dit Michael O'Brien. Cela façonne notre être et cela inspire forcément mes livres. Cela nous rappelle que nous sommes tous en exil du Paradis ».

La profondeur des personnages et des lieux qu'il décrit

Ses romans sont aussi marqués par la précision des descriptions, foisonnantes, y compris des lieux qu'il n'a pas visités. Pour cela, il assure « se documenter énormément » et prendre conseil auprès d'amis, dont certains lui font parvenir des cartes, des reconstitutions. Il détaille aussi minutieusement le cheminement intérieur souvent sinueux de ses personnages.

Allant puiser jusque dans les profondeurs de l'âme humaine, Michael O'Brien confie qu'il se fonde certes sur son expérience personnelle, mais que son inspiration se trouve surtout dans sa « prière constante » lors de l'écriture. Rejetant avec vigueur le « culte de l'artiste comme génie autonome », Michael O'Brien revendique « l'inspiration divine ».

Pour ses romans, « le travail et la grâce sont à l'oeuvre ensemble ». « L'artiste chrétien vit dans un univers bien plus grand que le ghetto de l'ego », insiste-il, avec une emphase toute nord-américaine mais sans complaisance.

L'Église, une institution indispensable

Il se dit préoccupé par la « condition spirituelle de l'Occident » et estime que le rôle de l'Église catholique est de continuer à porter, « sans compromission », le message du Christ. Attaché à l'Église, il ne craint pourtant pas d'en pointer les limites. (...)

[Certains] événements lui ont fait prendre conscience des péchés de l'institution même s'il continue à la considérer, avec ses zones d'ombre, comme indispensable. « Nous n'avons pas compris que la destruction de la civilisation chrétienne allait détruire la civilisation en elle-même » (...)

Ainsi, pour l'artiste, l'Occident, en rejetant son héritage chrétien, s'est déjà vu confronté aux « totalitarismes » du XXe siècle, et pourrait à nouveau tomber dans ce piège, mais de façon plus « pernicieuse ». C'est d'ailleurs l'une des grandes idées que l'on retrouve dans ses romans. Pessimiste ? « Non, je dirais d'un réalisme extrême, mais pas dénué d'espoir. »

(...)

Ses coups de coeur

Un écrivain : J.R.R. Tolkien

« Ma vie a été profondément marquée par Le Seigneur des Anneaux, la trilogie de J.R.R. Tolkien. Je l'ai lue plusieurs fois, et je l'ai également lue à voix haute à mes enfants. Son oeuvre me touche non seulement car c'est une métaphore épique de la grande guerre entre le bien et le mal, et qui va durer jusqu'à la fin des temps. J'aime aussi ces livres car Tolkien y présente un vaste panorama des personnalités humaines. Et les différentes façons par lesquelles ses personnages de fiction répondent à la menace du mal radical. »

Des peintres : Marc Chagall et Georges Rouault

« J'aime les tableaux de ces deux peintres, qui ont su unir foi et créativité d'une si belle façon, chacun avec son style bien spécifique. Cette union, lorsqu'elle est réussie, est quelque chose de phénoménal. C'est ce que je recherche aussi dans mon art, que ce soit par la peinture ou par l'écriture. »


[1] Le Journal de la peste, Salvator, 288 p.

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Commentaire laissé par Helga Poletti le

Cher rédaction et amis de mon Dieu Trinité que j'adore, j'aime vos articles, j'ai perdu le titre de ce livre qui étais lu et conseillé par le papes "Benoit et François"ayant changé de PC, voulant rester avec Firefox, j'ai perdu certains de vos liens, je vous remercie beaucoup pour avoir une prochaine réponse, cordialement Helga Poletti

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—John-Henry Westen, fondateur et éditeur de LifeSiteNews.com

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