Mgr Michel Schooyans - La prophétie de Paul VI


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Catégorie : Foi, doctrine & morale catholiques

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Nous sommes en 1968. Beaucoup s'attendaient à ce que le Pape suive l'avis de la majorité des experts qui pensaient qu'il allait admettre la contraception artificielle pour les couples mariés. Pourtant, au terme d'inlassables consultations, et résistant à des pressions insistantes, Paul VI réaffirme qu'on ne peut légitimement dissocier les deux fins de l'union conjugale : la fécondité et la tendresse. Tout un courant déclare aussitôt l'encyclique inacceptable; le dissentiment s'étale même chez certains pasteurs; le Pape est médiatiquement lynché. Cinquante ans après sa publication, l'encyclique Humanae vitae provoque toujours des réactions passionnées. Le recul dont nous disposons nous invite pourtant à une relecture de ce texte d'une grande actualité.

Nous savons aujourd'hui que l'information des experts de l'époque était souvent lacunaire. Nous percevons mieux que, derrière la question de la contraception, se cachent d'autres enjeux majeurs : équilibre démographique (retraites...), problèmes bioéthiques (avortement, euthanasie...), santé (cancer...), avenir de la liberté politique (manipulations, eugénisme d'État...) qui conditionnent d'une manière décisive l'avenir de nos sociétés. Avec Humanae vitae, Paul VI engage presque seul une bataille : celle de la dignité de l'homme. Malheureusement, la plupart de ceux qui ont dénigré Humanae vitae n'ont pas remarqué que c'est d'abord la raison qui justifie la position de Paul VI. L'encyclique devance les conclusions, évidentes aujourd'hui, de nombreuses disciplines scientifiques : médecine, biologie, psychologie, économie, histoire, droit..., disciplines dans lesquelles, soit dit en passant, il n'y a pas une once de vérité révélée. L'Église prend acte des résultats provenant du travail de l'intelligence. C'est pourquoi Humanae vitae ne peut être comprise que si est revalorisé le rôle de la raison dans la quête du sens ultime de la vie et de l'amour.

Introduction de l'encyclique Humanae Vitae par Mgr Michel Schooyans

Les enjeux de l'encyclique

Le martyre du prophète

Dans le langage familier, le prophète est quelqu'un qui annonce des événements à venir et qui invite à s'y préparer. Pour la tradition biblique, le prophète est celui qui a reçu de Dieu la mission de parler en son nom. Appelé par Dieu, le prophète est envoyé pour annoncer les desseins de Dieu sur son peuple, pour avertir de l'imminence d'un châtiment, pour annoncer un temps de conversion et de bonheur, pour inviter à renouveler l'Alliance. Le prophète ne trafique pas le message dont il est porteur. Peut-être n'en perçoit-il pas toute la portée. Souvent il est mis en demeure de produire des signes authentifiant le message qu'il est chargé de proclamer. Il sera même tenté de renoncer à sa mission, mais il y est fidèle. Cette fidélité le fait souffrir ; il est témoin, « martyr » jusqu'au bout. Le regard du prophète porte toujours au loin ; il voit ce que le peuple ne voit pas, ou ne veut pas voir. Son lot est de ne pas être entendu par ceux auxquels il apporte le message; son sort est d'être méprisé, chassé, ou mis à mort.

Paul VI s'inscrit dans la grande tradition prophétique du peuple élu. Comme tous les prophètes, il a lutté avec l'ange ; il a été médiatiquement lynché. Il a prié le Seigneur de l'éclairer ; il l'a supplié ; il a attendu patiemment l'illumination de l'Esprit de Dieu. L'encyclique Humanae vitae, dont nous célébrons le [cinquantième] anniversaire, a été portée dans la douleur et écrite à l'écoute de Dieu, alors qu'avant même sa publication la contestation prenait les devants. Car les opposants s'organisaient pour avoir une encyclique à l'arraché — leur encyclique.

Un beau tollé

1968. En France, la rue procède au meurtre du père ; l'université s'enflamme ; les grèves s'emploient à échauffer l'ambiance. Aux États-Unis, Martin Luther King est assassiné. Le printemps, c'est à Prague qu'il naît et que s'ébauche un socialisme à visage humain. En Belgique, les francophones sont expulsés de l'Université de Louvain et celle-ci est scindée. Dans le même temps, à Paris, on ressort des placards la révolution sexuelle de Wilhelm Reich et de Herbert Marcuse. Sartre, Simone de Beauvoir, Foucault, Cohn- Bendit et tant d'autres conjuguent leurs immenses talents pour marteler l'axiome elliptique de la nouvelle morale : « Il est interdit d'interdire ».

Les chrétiens se sentent particulièrement concernés, car aux yeux de beaucoup, la morale chrétienne serait un rabat-joie, un chapelet d'interdits, d'abord et surtout dans le domaine sexuel. Un an avant Humanae vitae, Paul VI avait déjà été critiqué pour l'encyclique Sacerdotalis coelibatus sur le célibat sacerdotal. Désormais, il s'agit de la position de l'Église face à la régulation des naissances. Une fois de plus, l'Église apparaît comme un « signe de contradiction ». Sa position serait inapplicable et insoutenable ; le Pape se rend d'ailleurs compte de cette difficulté. De nombreux articles publiés dès la fin des années 50 montrent l'ardeur avec laquelle des théologiens et des pasteurs veulent réformer la position de l'Église en matière de régulation des naissances et de population.

Dès le début de son pontificat, [Saint] Jean XXIII (1881-1958-1963) avait constitué une commission chargée d'étudier ce dossier délicat en y incluant la question de la population. Dans le cadre du Concile Vatican II (1962-1965), ce même dossier donne lieu à des débats dans le cadre d'une commission conciliaire. Après la mort de Jean XXIII, Paul VI (1897-1963-1978) relance les travaux commencés par son prédécesseur ; il consulte bon nombre d'évêques ; il étudie personnellement et à fond ce dossier.

Au sein des commissions ainsi que parmi les experts, la mise en question de l'enseignement de l'Église sur la régulation des naissances prend de plus en plus d'ampleur. Cette mise en question s'exprime aussi avec beaucoup de force parmi les laïcs et dans le clergé ; elle est envisagée avec faveur par une fraction significative de l'épiscopat. Paul VI est soumis à d'intenses pressions ; il est pour ainsi dire mis en demeure de réformer l'enseignement de Pie XI dans son encyclique Casti connubii (1930). La majorite des experts font valoir des arguments, qu'ils estiment imparables, en vue d'un remaniement substantiel de la doctrine de Pie XI. Ils veulent, assurent-ils, une nouvelle prise de position pontificale accueillant la licéité morale du recours à la contraception, c'est-à-dire de la séparation des fins procréative et unitive de l'union conjugale. Paul VI est presque intimé de suivre l'avis de la majorité des commissions et de leurs experts.

Ces âpres discussions d'Humanae vitae nous font percevoir que la contestation dont elle est l'objet comporte un premier enjeu, qui est ecclésiologique : Le Pape doit-il se ranger à l'avis de la majorité des conseillers dont il a sollicité l'avis ? Le Pape doit-il prendre en compte les clameurs qui lui parviennent des médias chrétiens au point de conformer l'enseignement magistériel à la conduite qu'ont adoptée bien des couples chrétiens ?

L'encyclique doit donc, assure-t-on, être déclarée recevable par tous ceux qu'elle concerne. Chaque individu pourra se référer, en ultime instance, à sa conscience, et apporter un assentiment proportionnel à ses convenances individuelles. Le deuxième enjeu de l'encyclique, c'est donc les pressions en vue de faire prévaloir une morale relativiste, gradualiste, une morale de l'intention fondamentale.

Ce relativisme a des retentissements immédiats au niveau de la famille et du mariage. Nous en sommes ici au troisième enjeu. La contraception est revendiquée au nom dune conception néo-libérale de la liberté des individus et de leur droit au plaisir. L'idée de fidélité à un engagement libre et éclairé est incompatible avec cette conception radicale de la liberté individuelle. Chacun peut choisir ses valeurs et en changer. Le mariage n'est guère qu'un contrat, le fruit d'un consensus toujours renégociable ou dénonçable. Ce qui compte, c'est le plaisir que les individus consentent à se donner. L'union, c'est le plaisir; l'enfant, c'est le risque qu'il faut savoir éviter.

Paul VI résiste cependant aux pressions multiples auxquelles il est soumis ; il prie, s'informe, écoute, mais il tarde à se prononcer. Le Pape prendra cinq ans pour arrêter sa position. Celle-ci est exposée dans l'encyclique Humanae vitae, publiée à Rome le 25 juillet 1968. Comme on le sait, cette publication déclenche immédiatement un beau tollé dans une frange importante du monde chrétien.

Le machisme conquérant

On a prétendu que Paul VI ne comprenait pas grand-chose aux questions féminines. Il aurait été réticent face aux programmes de libération de la femme et de l'entrée de celle-ci dans les circuits d'emplois rémunérés. Or à y regarder attentivement, par ses prises de position, Paul VI a contribué à la libération de la femme ; il a mis en évidence le respect qu'il avait pour sa dignité, et en particulier pour le respect de son corps. Tel est le quatrième enjeu. Le Pape Paul VI soulève en effet une question de fond dans les rapports hommes-femmes. Comment se fait-il que des pilules pour les hommes n'aient pas été commercialisées ? La réponse à cette question a quelque chose de tragique. En acceptant, et même plutôt en revendiquant le droit à la pilule et à la contraception, les femmes ont accepté ce que les hommes n'acceptaient pas, à savoir que leur fertilité soit remise en question. Depuis quelques années, la commercialisation tapageuse du Viagra exacerbe au contraire les phantasmes de la puissance masculine, et les performances dont elle est créditée illustrent d'autant plus la sujétion de la femme au machisme conquérant.

Aujourd'hui, dans les milieux féministes les moins suspects d'allégeance au Pape, nombreuses sont les militantes qui constatent que les contraceptifs sont nocifs pour elles, et qu'elles doivent payer le prix fort pour offrir aux hommes insouciants le plaisir qu'ils attendent de celles qui leur sont soumises. De là l'hostilité que l'on voit croître vis-à-vis des hommes chez certaines femmes qui prennent conscience de leur esclavage. Conscientisées, elles se demandent si c'est ça leur libération, ou si elles ne sont pas devenues objets de consommation sexuelle.

Dans la foulée, Paul VI mentionne d'ailleurs une autre forme menaçante d'esclavage. Le cinquième enjeu d'Humanae vitae, ce n'est pas seulement la régulation des naissances ; c'est aussi la question du droit des pouvoirs publics à intervenir dans les questions de population.

Vous pouvez lire la suite en téléchargeant le livre « La prophétie de Paul VI - L'encyclique Humanae Vitae (1968) » de Mgr Schooyans au moyen du bouton ci-dessous.


Monseigneur Michel SchooyansMonseigneur Michel Schooyans est professeur émérite de l'Université de Louvain-la-Neuve (Belgique) où il a enseigné vingt-cinq ans la philosophie politique, membre de l'Académie pontificale des Sciences sociales, consulteur du Conseil pontifical pour la famille, auteur de nombreux ouvrages d'une portée internationale. Il est incollable sur la démographie, la globalisation de l'économie, le libéralisme (dont il dénonce la "dérive totalitaire") ... (Famille Chrétienne, 17-23 mars 2001, n° 1209)

Vous pouvez télécharger librement l'ensemble de ses ouvrages sur son site Internet, michel-schooyans.org.

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Commentaire laissé par Peyo brebis le

La vérité du Christ finit toujours par triompher du mensonge de Satan.
Même si le combat entre les deux peut être long et douloureux.
Voici un témoignage de conversion (en anglais) qui rend justice à la vérité prophétique et au courage de Paul VI.

http://www.catholicherald.co.uk/commentandblogs/2018/04/06/i-first-read-humanae-vitae-as-a-protestant-its-truthfulness-made-me-weep/

“When I read it for the first time, while I was still a Protestant… I was moved to tears.”
“It was Humanae Vitae that succinctly described my dignity as a human being, that as a woman I was not a second-class citizen to man.”

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Commentaire laissé par Peyo brebis le

Bonjour.

Il est exact que tous les combats pour la contraception et pour l'avortement ont été menés surtout par des hommes. Toutes ces techniques mortifères ont été mises au point par des hommes. Toutes ces lois ont été votées par une majorité d'hommes.

On peut donc se douter qu'ils en étaient les premiers bénéficiaires.

En effet, si une jeune fille ou une femme tombe enceinte, on recherche le géniteur, qui doit assumer ses responsabilités. Un mariage éventuel,. Ou au moins une indemnisation financière lourde, pour la mère et pour l'enfant. Sans compter les ennuis familiaux et sociaux si le géniteur est un homme marié et de position sociale élevée. Cela se traduisait aussi parfois par l’avortement clandestin, aux frais du géniteur.

Chercher à qui le crime profite est un adage policier qui a toujours sa valeur.

Bien à vous.

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