Le Sang de l'Agneau


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Catégorie : Réflexions et méditations diverses

Auteur : Michael O'Brien

Nombre de consultations : 979

Un grand nombre d'hommes à notre époque en sont arrivés à croire au mensonge que Dieu est mort et que la mort triomphe. Comme conséquence de la désintégration de leur monde, ils vivotent ici-bas en sachant à peine comment vivre. Déracinés, blessés et terriblement seuls. Par désespoir, ils se tournent vers la drogue du matérialisme et du plaisir, ou tout ce qui stimule en eux la violence, dans une fuite désespérée pour échapper à une vision intolérable de la vie. Tant de gens ne croient plus en un Dieu bon et ont laissé s'accumuler une énorme aversion envers Lui, un ressentiment qui s'est aggravé suite aux crimes du siècle passé.

Par Michael D. O'Brien. Titre original : « The Blood of the Lamb » (archives)

Première publication sur ce blog le 17 septembre 2018

Traduction Pierre et les Loups

Le soir d'un jeudi saint, vous ne vous attendez pas à entendre des coups de feu dans un quartier calme au milieu de la campagne. Deux grands bruits secs résonnèrent sur les collines qui entouraient notre petite maison. Nous n'eûmes pas le temps d'y réfléchir plus longtemps car le souper, le moment de la journée où toute la famille se retrouve réunie, nous attendait.

Mon épouse était en train de poser le repas du jeudi saint sur la table. C'était un plat traditionnel de séder juif composé d'agneau, d'herbes, d'oeufs et de pain sans levain. Les enfants réclamaient des explications sur ces violentes détonations quand soudain il y eut deux autres coups de feu. Nous nous sommes dit à cet instant qu'il s'agissait sans doute du bruit de combustion que faisait le système d'échappement d'un camion passant dans la rue.

Nos enfants se sont arrêtés un moment pendant que je leur expliquais la raison de ce curieux repas. Ils s'immobilisèrent quand je décrivis l'ange de la mort passant devant les maisons des Hébreux ayant marqué le linteau et les deux montants de leurs portes avec le sang d'un agneau. Nos enfants savent que le sang est réel. Il leur est déjà arrivé de regarder avec surprise leur propre sang, ce qui est l'un des petits indices de notre mortalité. Ils frissonnèrent en pensant aux enfants massacrés des Egyptiens. Ils se demandaient pourquoi une chose aussi petite qu'une trace de sang sur un montant de porte, ou son absence, pouvait signifier la vie ou la mort.

Nous mangeâmes notre repas et peu de temps après, les plus jeunes de nos enfants se mirent au lit. Avec mon fils aîné je me rendis ensuite à la messe du jeudi saint et nous pûmes écouter la suite de ce récit ancien. A présent, Jésus, le nouvel Agneau, est tué sur l'autel de la Croix. C'est Son sang qui est ainsi versé sur les linteaux de nos coeurs, signe de la nouvelle Pâque, la nouvelle libération de l'esclavage. Pendant la messe, je regardai le visage de mon fils de temps à autres. Il était très silencieux et essayait visiblement d'assimiler une pensée difficile. Je soupçonnai qu'il s'agissait de la grande question : pourquoi y a-t-il la mort dans le monde ?

Les passages bibliques tout au long du cycle pascal racontent à plusieurs reprises la passion et la mort du Seigneur depuis différentes perspectives, mais le soir du jeudi saint, une attention particulière est portée aux coeurs des hommes. Nous sommes criblés comme le froment ; nous sommes pesés dans la balance et trouvés trop légers. Comme Pierre, nous protestons tantôt que nous mourrons pour le Seigneur et l'instant d'après nous le renions. Ou comme Judas, nous nous détournons, refusant de croire que le pardon est possible. De mille manières nous fuyons la confrontation avec le mal. Une fois de plus, l'innocence est jetée en pâture à son agresseur. C'est le festin des ténèbres, la nuit de la trahison. C'est avant tout le moment où le désespoir absolu devient possible.

A minuit, un violent bruit à la porte nous sort de notre sommeil. Un agent de police se tenait là, visiblement secoué ; il s'excusa pour le dérangement et demanda à entrer. Il nous dit qu'il enquêtait sur un crime et nous demanda si nous nous rappelions avoir entendu des coups de feu. Si oui, à quelle heure cela s'était-il produit ? Nous lui parlâmes des fortes détonations et de l'heure approximative à laquelle nous les avions entendues. Il se laissa ensuite tomber sur une chaise.

— « Vous comprenez que je ne peux pas vous dire ce qui s'est passé, » nous dit-il, « mais c'est la chose la plus terrible que j'ai jamais vue. »

Il se mit à trembler et je remarquai que l'étui de son révolver n'était pas fermé, son arme à découvert ; une défense pathétique contre les puissances des ténèbres. Nous étions tous étrangement silencieux. Un frisson et un sentiment d'oppression nous entouraient, comme si la mort était présente dans la pièce. Puis, incapable de se taire plus longtemps, il nous raconta ce qui s'était passé : un homme qui se trouvait dans une maison vide trois portes plus haut dans la rue venait de tuer sa fille de onze ans et son fils de cinq ans, puis s'était donné la mort.

— « C'est vraiment très moche, » déclara l'officier. « Il a utilisé un fusil de chasse et il ne reste plus rien des visages. »

Il s'en alla après minuit. Nous étions à présent le vendredi saint. Notre maison était plongée dans l'effroi, à l'exception de quatre de nos enfants qui dormaient toujours. Mon épouse et moi allâmes instinctivement vers eux, pour ajuster leur couverture, poser une main pendant quelques instants sur chacune de leurs têtes. Nous fîmes une prière d'action de grâce pour remercier Dieu de faire de notre famille un foyer d'espérance. Ce fut une prière étrangement aride — angoissée. Vendredi saint — il ne s'agissait plus d'une liturgie commémorative. Nous allâmes allumer une bougie devant le petit autel de notre salon. C'était difficile de ressentir autre chose que de l'engourdissement, de la répulsion et de la colère ! C'était la nuit de l'année où le mal répand l'illusion qu'il a triomphé sur la lumière. Comme toujours, il utilise des victimes innocentes pour le faire. Nous continuâmes de prier dans l'obscurité jusqu'à la tombée de la nuit.

Presque un an s'est écoulé. Il est impossible de ne pas repenser au meurtre de ce jeudi saint parce que nous passons devant cette maison tous les jours. Cela persiste tel un grand coup silencieux dans nos consciences, un acte qui laisse un goût d'horreur dans la bouche.

« Pourquoi, » nous demandons-nous. Il y a un tas de raisons évidentes — la drogue et l'alcool étaient impliqués. L'épouse de cet homme avait abandonné le foyer. Il y avait eu des paroles haineuses et des scènes de violence amères, le rejet et le désespoir. Mais la raison profonde continue de nous défier et de nous échapper.

Une partie de la réponse réside dans la lutte entre le bien et le mal qui se déroule au sein de chaque coeur humain. Ce n'est peut-être pas un hasard si cet homme a détruit le visage de ses enfants, puis le sien. Il y a des formes de mort plus faciles et moins horribles. Pourquoi celle-ci ? Que quelqu'un l'ait compris ou non à l'époque, il y a un terrible symbolisme dans cet acte. La propre image de Dieu vivait dans l'âme de ces innocentes victimes — et dans l'âme du meurtrier s'étant suicidé, car là aussi l'image divine ne peut être détruite, peu importe à quelle profondeur sous terre elle est enterrée ou à quel point elle est mutilée. Ce dont il s'agit avec cet acte n'est rien de moins qu'une insulte à la face de Dieu.

Le mal n'est pas une substance comparable à un gaz toxique. C'est une absence d'amour et une absence de vérité. Dans cet état d'éloignement de Dieu, Satan travaille implacablement pour saboter la venue du royaume. Cela fait partie d'une bataille beaucoup plus vaste, une grande lutte cosmique avec Dieu. Il tente de démontrer à Dieu que l'amour et la vérité ne sont pas des moyens efficaces de gouverner l'univers. Dans son orgueil, il essaie de renverser la loi de la liberté, car c'est sur les fondements de la liberté que tout le reste est bâti. Seule une âme libre peut choisir d'aimer et de chérir la vérité. Seule une âme libre peut connaître Dieu et l'aimer. C'est la liberté que Satan exècre par-dessus tout, et il travaille sans pitié pour la détruire — et n'y parvenant pas, il fait tout pour la détourner de sa véritable fin. Il incite l'homme à tous les niveaux de la vie humaine à trahir sa liberté.

Ensuite, il essaie de forcer Dieu à défendre Sa création en violant Ses propres lois, ce que Dieu ne fera jamais. La garantie en est la mort et la résurrection du Christ. L'arme la plus puissante dans la rébellion permanente de Satan est de ravager et de détruire l'image de Dieu dans la plus belle des Ses créations : l'humanité. Ses moyens pour y parvenir sont multiples. Il y a le péché et l'erreur dans des formes trop nombreuses pour être mentionnées ici. Principalement, il est maître de l'illusion et « Père du mensonge », comme l'appelle Jésus. Son dispositif le plus dévastateur est d'amener la mort dans le monde, puis d'inciter l'homme à se révolter contre Dieu pour avoir permis la mort.

Tout aussi efficace est la manière dont il viole l'innocence, car c'est ce qui révolte le plus le coeur humain. Ce qui est paternel et maternel en nous recule devant la corruption de ce qui est bon et beau et vrai, que ce soit un foyer, une oeuvre d'art ou un visage d'enfant. Nous savons ce qu'il en coûte de faire venir un être humain au monde, et profondément dans notre être, nous savons que ce pouvoir de donner la vie et de la faire grandir nous relie à Dieu. Quand [ce que nous considérons comme bon et bien] est violé, Dieu peut en quelque sorte sembler mourir un peu.

Un grand nombre d'hommes à notre époque en sont arrivés à croire au mensonge que Dieu est mort et que la mort triomphe. Comme conséquence de la désintégration de leur monde, ils vivotent ici-bas en sachant à peine comment vivre. Déracinés, blessés et terriblement seuls. Par désespoir, ils se tournent vers la drogue du matérialisme et du plaisir, ou tout ce qui stimule en eux la violence, dans une fuite désespérée pour échapper à une vision intolérable de la vie. Tant de gens ne croient plus en un Dieu bon et ont laissé s'accumuler une énorme aversion envers Lui, un ressentiment qui s'est aggravé suite aux crimes du siècle passé.

Dimanche de Pâques : Tout semblait normal ce matin-là. Les balançoires des enfants bougeaient dans le vent. Les oiseaux chantaient. Crocus et jonquille faisaient leur apparition sur la pelouse. Mais tout n'était pas normal. La maison où avait eu lieu le meurtre était terriblement silencieuse, la porte fermée à clef et les fenêtres closes tels des yeux devenus aveugles. Je me tins devant, tenant la main de mon fils, me demandant : « Où était Dieu à Auschwitz ? » Et silencieusement, comme en réponse, vint une autre question : « Où était l'homme ? »

« Qu'en est-il de ces enfants assassinés », ai-je demandé au silence. « Où peuvent-ils bien être maintenant ? »

Je vis alors soudainement leurs visages apparaître devant moi, des visages qui avaient été créés pour devenir de plus en plus lumineux à mesure qu'ils retrouveraient cette ressemblance divine inscrite en chacun de nous. Des visages créés pour l'éternité d'où devaient éclater d'innombrables rires, chants et regards d'amour, plongés à présent dans les ténèbres d'une tombe. Pourquoi ? A ce moment il me fallut faire un choix, celui que fait chaque personne qui rencontre une croix. Tandis que nous nous tenions debout devant cette maison vide ce dimanche de Pâques, mon fils et moi nous mîmes à prier. Nous demandâmes à Dieu d'accueillir les âmes de ces victimes qui avaient été clouées sur la Croix avec son Fils.

Dans mon coeur, j'entendis le timbre d'une voix, beaucoup plus profond que des mots, plus fort que la détonation d'une arme à feu, plus puissant que toutes les rumeurs d'une époque violente : « Ces innocents sont avec Moi. »

Ils sont avec Lui sur la Croix ; ils sont avec Lui aujourd'hui au Paradis. Et bientôt, Il nous en fait la promesse, Il reviendra dans la gloire. Bientôt, Il nous promet, la mort elle-même, à la suite de Satan, sera jetée pour toujours dans un lac de feu.

Nous restâmes un petit moment encore à écouter, puis nous descendîmes la route, à la recherche d'un tombeau vide.

Michael D. O'Brien
The Blood of the Lamb (archives)

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Commentaire laissé par Peyo brebis le

Nous ne connaissons pas les circonstances du drame. Il semble bien lié à une séparation ou un divorce d'un couple. À la destruction d'une famille.
Cette attaque contre la famille est générale depuis deux siècles en Occident. La famille chrétienne est une des valeurs essentielles qui ont fondé notre civilisation chrétienne. Pour détruire cette civilisation, Satan doit donc détruire la famille.
Rendons grâce à l'Église catholique d'être le dernier défenseur de la famille chrétienne. Le divorce est une catastrophe pour tous. Pour le couple, pour les enfants, pour leurs familles, pour leurs relations. Mais surtout pour les enfants, les plus innocents.
Notre société est satanique, car elle favorise et facilite de plus en plus le divorce. Elle le présente comme une "bonne solution", alors que c'est la pire des solutions.

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Commentaire laissé par Simon le

Cher Patrice,

J'ai justement pensé à vous en publiant ce témoignage car je sais que vous êtes très sensible. C'est le genre de fait divers qui ne peut que nous soulever le coeur. J'ai voulu le partager car c'est un auteur que j'aime beaucoup qui l'a vécu et il y donne un éclairage chrétien qui me semble très important. Pour information ce drame s'est passé aux alentours de 1980 (date du texte). Aujourd'hui les enfants de Michael O'Brien sont grands. Mais cela reste terrifiant en effet ! Le monde a beau dire que c'est Dieu qui suscite la violence chez l'homme, ce témoignage prouve que c'est bien plutôt son absence...

Amicalement,

Simon

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Commentaire laissé par Patrice M. le

Bonjour. Terrifiant.
j'ai pleuré en lisant ce texte.
Cordialement

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