https://pierre-et-les-loups.net/

Les cinq corrections

Cette semaine, les lectures de la messe commencent par se concentrer sur le livre de l'Apocalypse. Cela me rappelle une incroyable réflexion que je me suis faite en 2014.

Le Synode sur la famille touchait à sa fin, dans un crescendo de confusion et de tension. En même temps, je continuais à ressentir avec force intérieurement que nous sommes en train de vivre les lettres aux églises de l'Apocalypse. Lorsque le Pape François prit finalement la parole lors de la clôture du Synode, je ne pus en croire mes oreilles : tout comme Jésus avait réprimandé cinq des sept églises dans l'Apocalypse, de même le Pape François adressa cinq corrections à l'Église universelle, en ajoutant une importante mise en garde pour lui-même.

Titre original : « The Five Corrections »

Illustration : La condamnation de Jésus par Michael D. O'Brien

Le parallèle est stupéfiant, et est un appel à nous réveiller et à prendre conscience de l'époque que nous vivons…

Révélation de Jésus-Christ… pour montrer à ses serviteurs ce qui doit bientôt advenir… Heureux celui qui lit, heureux ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui est écrit en elle, car le temps est proche.

Première lecture de la messe du 19 novembre 2018 ; Ap 1: 1-3

Les cinq corrections

I. À l'Église d'Éphèse, Jésus avertit ceux qui se montraient rigides, qui étaient enfermés dans l'obéissance à la loi plutôt qu'enracinés dans l'amour :

Je connais ta conduite, ta peine, ta persévérance ; je sais que tu ne peux supporter les méchants : tu as mis à l'épreuve ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas, et tu as découvert qu'ils étaient menteurs… Mais j'ai contre toi que tu as abandonné ton amour d'antan. Allons ! souviens-toi d'où tu es tombé...

Apocalypse Chapitres 2 et 3

S'adressant aux évêques plus "conservateurs" lors du Synode, le Pape François souligna la tentation du…

… raidissement hostile, c'est-à-dire vouloir s'enfermer dans ce qui est écrit (la lettre) et ne pas se laisser surprendre par Dieu, par le Dieu des surprises (l'esprit) ; à l'intérieur de la loi, de la certitude de ce que nous connaissons et non pas de ce que nous devons encore apprendre et atteindre. Depuis l'époque de Jésus c'est la tentation des zélés, des scrupuleux, des attentifs et de ceux qu'on appelle — aujourd'hui — « traditionalistes » et aussi des intellectualistes.

—PAPE FRANCOIS, discours à la 15è Congrégation Générale, salle du Synode, 18 octobre 2014, Vatican.va

II. La deuxième correction concerne les "libéraux" de Son Église. Jésus écrit aux habitants de Pergame, reconnaissant leur foi en Lui, mais leur reprochant les enseignements hérétiques auxquels ils ont cru :

… tu tiens ferme à mon nom, et tu n'as pas renié ta foi en Moi… Mais j'ai contre toi quelque grief : tu en as là qui tiennent ferme à la doctrine de Balaam… De même, chez toi aussi, il en est qui tiennent ferme à la doctrine des Nicolaïtes.

Ap 2: 13-15

Oui, ceux qui se sont laissé imprégner d'hérésies à notre époque dans le but de plaire à l'esprit de mondanité. A ceux-là aussi, le Pape François a adressé cet avertissement de :

La tentation de l'angélisme destructeur, qui au nom d'une miséricorde trompeuse [fruit de cette hérésie mondaine] bande les blessures sans d'abord les soigner ni les traiter; qui s'attaque aux symptômes et pas aux causes et aux racines. C'est la tentation des « bien-pensants », des timorés et aussi de ceux qu'on appelle « progressistes et libéralistes ».

III. Et ensuite, Jésus réprimande ceux qui s'enferment dans leurs propres oeuvres et qui, plutôt que de produire les fruits de l'Esprit, produisent des fruits de mort, aussi froids que la pierre.

Je connais ta conduite, je sais que tu as la réputation d'être un vivant, mais tu es mort. Sois vigilant, raffermis ce qui te reste et qui est sur le point de mourir, car je n'ai pas trouvé que tes actes soient parfaits devant mon Dieu.

Ap 3: 1, 2

De même, le Pape François a mis en garde les évêques contre une tentation similaire de pratiquer des oeuvres mortes et imparfaites qui font plus de mal aux âmes que de bien :

La tentation de transformer la pierre en pain pour rompre le jeûne long, lourd et douloureux (cf. Lc 4, 1-4) et aussi de transformer le pain en pierre et de la jeter contre les pécheurs, les faibles et les malades (cf. Jn 8, 7) c'est-à-dire de le transformer en « fardeaux insupportables » (Lc 11, 46).

IV. Jésus rejoint avec des paroles d'encouragement toutes les personnes qui s'engagent dans de grandes oeuvres de charité et de service — ce que nous pourrions appeler travail social ou oeuvres de "justice et de paix". Mais ensuite le Seigneur leur reproche d'avoir laissé pénétrer dans leur coeur un esprit d'idolâtrie, de s'être incliné devant l'esprit du monde qui oeuvrait au milieu d'eux.

Je connais ta conduite : ton amour, ta foi, ton dévouement, ta constance ; tes dernières actions surpassent les premières. Mais j'ai contre toi que tu tolères Jézabel, cette femme qui se dit prophétesse, qui égare mes serviteurs, les incitant à se prostituer en mangeant des viandes immolées aux idoles.

Ap 2: 19, 20

De même, le Saint Père réprimanda ces évêques qui ont adouci l'Évangile pour le rendre plus appétissant telles « ces viandes immolées aux idoles ».

La tentation de descendre de la croix, pour faire plaisir aux gens, et ne pas y rester, pour accomplir la volonté du Père; de se plier à l'esprit mondain au lieu de le purifier et de le plier à l'Esprit de Dieu.

V. Et pour finir, les paroles de notre Seigneur à l'attention des "tièdes", à ceux qui adoucissent les exigences de la foi.

Je connais ta conduite ; je sais que tu n'es ni froid ni brûlant – mieux vaudrait que tu sois ou froid ou brûlant. Aussi, puisque tu es tiède, ni brûlant ni froid, je vais te vomir de ma bouche.

Ap 3: 15,16

Ce sont soit, dit le Pape François, ceux qui diluent le dépôt de la foi, soit ceux qui disent beaucoup de choses, mais ne disent rien du tout !

La tentation de négliger le « depositum fidei » [le dépôt de la foi], de se considérer non pas des gardiens mais des propriétaires et des maîtres [de ce dépôt] ; ou, dans l'autre sens, la tentation de négliger la réalité en utilisant [un langage rigoureux et] élevé pour dire tant de choses et ne rien dire !

Se préparer à la passion

Frères et soeurs, nous sommes en train de vivre le Livre de l'Apocalypse, qui est la révélation de la passion de l'Église selon la vision de Saint Jean.

Avant l'avènement du Christ, l'Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants.

—Catéchisme de l'Église catholique, n° 675

La « secousse » commence par un message du Christ — et maintenant du Vicaire du Christ — adressé aussi bien aux "conservateurs" qu'aux "libéraux", afin de les exhorter à se repentir.

Remarquez que c'était un évêque [1] "libéral" qui trahit Jésus lors de la Dernière Cène… mais ce furent onze "conservateurs" qui l'abandonnèrent au Jardin des Oliviers. Ce fut une instance gouvernementale "libérale" qui signa l'arrêt de mort du Christ, mais des Pharisiens "conservateurs" qui réclamèrent Sa crucifixion. Et ce fut peut-être un "riche libéral" qui fit don d'un tombeau neuf pour y déposer le corps du Christ, mais ce ne furent pas les "conservateurs" qui roulèrent la pierre devant l'entrée. (Mt 27: 57-66) Pensez à cela, surtout lorsque vous entendez vos frères ou soeurs catholiques qualifier le Pape d'hérétique.

J'ai pleuré en lisant les paroles de Jésus ce lundi matin. Puisse toute l'Eglise pleurer aujourd'hui parce que le monde ne serait pas au seuil du Jugement si nous n'étions pas si divisés, si enclins à nous juger et nous critiquer les uns les autres, si peu fidèles et loyaux, si rigides, si tièdes, si occupés à trahir le Seigneur en nous prostituant à Jézabel, si hypocrites. Je me considère aussi coupable que quiconque.

Seigneur, aie pitié de Ton Église. Viens vite soigner ses blessures…

Car voici le temps du jugement : il commence par la famille de Dieu. Or, s'il vient d'abord sur nous, quelle sera la fin de ceux qui refusent d'obéir à l'Évangile de Dieu ?

1 Pierre 4: 17

Le Pape, dans ce contexte, n'est pas le seigneur suprême mais plutôt le suprême serviteur — le « serviteur des serviteurs de Dieu »; le garant de l'obéissance et de la conformité de l'Eglise à la volonté de Dieu, à l'Evangile du Christ et à la Tradition de l'Eglise, en mettant de côté tout arbitraire personnel, tout en étant — par la volonté du Christ lui-même — le « Pasteur et Docteur suprême de tous les fidèles » et bien que possédant « dans l'Eglise le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel. »

—PAPE FRANCOIS, discours à la 15è Congrégation Générale, salle du Synode, 18 octobre 2014, Vatican.va

Mark Mallett


[1] Nos évêques sont les successeurs des premiers apôtres qui eux-mêmes étaient les premiers évêques de l'Eglise fondée sur Pierre, dont les papes sont les successeurs. Judas était donc l'un des douze premiers évêques de l'Eglise du Christ.